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Origine1975
8 juillet 2015

Tome 8 : Nouvelle génération : 20

Chapitre 20

      Plus les heures s’écoulaient, plus Rafael avait l’impression de s’enfoncer de plus en plus dans la médiocrité. Il n’arrivait pas à suivre. C’était décevant. Bien évidemment, il ne le montrait pas et il se faisait le plus discret possible afin que le professeur ne l’ennuie pas.

      Depuis le retour de la première pause, Carline n’avait pas repris le dessin. Elle écrivait dans un cahier. Le professeur de français l’interrogea une ou deux fois. Elle lui répondait correctement comme si elle avait suivi son cours. Quand il fut l’heure de midi, la sonnerie retentit. Les cours suivants reprendraient à partir de quatorze heures.

      Certains élèves s’échappèrent rapidement, car ils rentraient chez eux pour déjeuner. Carline avait refermé son cahier et se tournant vers son camarade, elle lui demanda où il comptait manger. Il hésita un instant avant de lui avouer.

— Je ne mange pas le midi.

      La jeune fille fronça les sourcils.

— Pourquoi donc ?

— Euh ! Nous n’avions pas les moyens de nous payer la cantine. Et le peu de nourriture que nous avions servait le matin et le soir.

      Carline le fixa de son regard indéchiffrable. Rafael n’était pas très à l’aise. Il se sentait honteux. Il finit par baisser les yeux. Carline ne devait pas savoir ce que cela faisait d’avoir faim.

— Tu n’as pas à avoir honte, lui répondit-elle d’une voix douce. Je ne peux pas me mettre à ta place, mais je sais au moins une chose.

      Troublé, il leva à nouveau les yeux vers elle. Carline souriait.

— Le fait de n’avoir rien à manger, c’était avant. Maintenant, tu vas faire le plaisir de m’accompagner à la cantine et tu ne discutes pas.

      Il ouvrit la bouche pour répliquer, mais Carline ne lui en laissa pas le temps. Elle se leva et lui attrapa la main pour le forcer à l’accompagner. Avec un soupir fataliste, il suivit. Mais au bout d’un moment, il tira sur son bras pour se libérer. La jeune fille étonnée se retourna vers lui.

— J’ai... hésita-t-il. Euh ! Il faut que j’aille voir si Moira se nourrit aussi.

      Carline pencha la tête.

— Moira ?

— Ma sœur. Elle se trouve au collège.

— OK, on va la retrouver.

      Et sans l’attendre, elle se remit en marche. Elle dévala les marches menant au rez-de-chaussée et fila vers la cour. Là, elle se tourna vers son camarade qui l’avait suivi. Rafael jeta un regard autour de lui. Il repéra sa sœur près de l’autre bâtiment. Elle était assise sur le sol, le dos contre le mur. D’un bon pas, il se rendit vers elle.

      Moira observait un groupe de fille avec envie. Elle appréciait bien sa nouvelle école, mais comme toujours, elle avait bien du mal à trouver ses marques. Elle tentait quand même de s’intégrer. Mais ce n’était pas facile quand ces camarades parlaient de faits divers qu’elle ne connaissait pas. Une ombre apparut. Elle se retourna et fut surprise de trouver son frère devant elle. Elle allait lui parler quand elle aperçut la jolie fille auprès de son frère.

      Elle la détailla un instant. Même si la fille était sublime, elle n’était pas vraiment le genre habituel de son frère. Mais en réfléchissant, leur vie n’était plus la même non plus. Son frère extériorisait son mal-être différemment avant en côtoyant des personnes peu fréquentables. La jeune fille en question s’agenouilla devant Moira le sourire aux lèvres.

— Bonjour, je m’appelle Carline Oda. Ravie de faire ta connaissance petite sœur de Rafael.

— Moira murmura un peu intimidé tout à coup la jeune fille. Je me nomme Moira.

— Tu as un très joli prénom. Je dois rejoindre mon frère pour déjeuner, veux-tu nous accompagner avec ton frère ? Nous ferions plus ample connaissance.

      Moira hésita un instant. Pouvait-elle accepter ? Elle jeta un coup d’œil vers son frère. Celui-ci regardait sa camarade pensivement.

— Je peux vraiment ?

— Puisqu’on te le dit, Moira ! Râla Rafael, légèrement bougon. De toute façon, tu ferais mieux d’obéir. Carline ne te laissera pas en paix.

      La jeune fille en question s’était redressée. Elle donna un coup de poing dans le bras de son camarade.

— Comment tu es ? Bon pour ta peine, tu me refileras ton dessert.

— Surement pas !

— Oui, oui, nous verrons Raffy.

      Le jeune homme pinça les lèvres.

— Pas Raffy, Rafael ! T’es chiante ma parole !

      Pour toute réponse, il eut droit à un rire cristallin. Moira rejoignit son frère, rayonnante. C’était la première fois qu’elle voyait son frère aussi vivant. Habituellement, il ne disait jamais rien. Il se faisait même oublier sauf quand il était avec les mauvaises personnes.

— Elle est chouette, cette fille.

— Mouais, je dirais plutôt qu’elle n’en fait qu’à sa tête.

      Le frère et la sœur suivirent leur nouvelle amie. Carline se rendait vers l’arrière du bâtiment du lycée. Rafael en fut surpris. La cantine se trouvait à l’opposé. Il n’avait pas eu l’idée de visiter plus amplement l’école. Il aperçut deux bâtiments préfabriqués. Une des portes était ouverte. Un garçon d’apparence asiatique attendait appuyé contre le branlant de la porte. Il se redressa en apercevant le groupe. Il salua d’un geste avant de sauter les deux marches pour se trouver devant Carline.

— Coucou, Lili. Tu en as mis du temps. Je commençais à avoir faim.

— Je nous amène deux nouveaux amis. Je te présente Rafael et Moira.

      L’Asiatique allait répondre quand un autre garçon apparut derrière eux. Il entoura la taille de Carline avec tendresse. La jeune fille gloussa. Rafael détailla le nouveau venu. De même taille, le nouveau avait par contre les cheveux bruns légèrement ondulés plus longs que les siens dont quelques mèches venaient lui chatouiller les joues de temps à autre. La peau pâle, mais pas autant que la jeune fille faisait ressortir ses yeux couleur gris orageux. Tout comme sa sœur puisque Rafael reconnaissait le garçon qu’il avait pris pour son petit ami, Nael s’habillait simplement sans prétention.

— Ma Lili, je t’ai cherché partout. À quoi te sert un portable si tu ne l’utilises pas ?

— Bah ! À rien, je l’ai oublié à la maison.

— Si papa Wan s’en rend compte, tu vas avoir droit à son éternel sermon.

      Carline échappa à l’étreinte de son frère en riant.

— Je ferais comme les autres jours. Je n’écouterais pas et papa finira par lâcher prise comme toujours. Et pour se venger ira ennuyer papa Luce.

— Vous êtes terrible dans cette famille, s’exclama Dan.

— Tu peux parler. Parce que tu n’es pas terrible toi avec ton père peut-être ? Tu le mènes par le bout de son nez.

      L’Asiatique se mit à rire également. Il haussa les épaules.

— Que veux-tu ? Sawa m’a montré comment faire. Alors, j’en abuse.

      Nael finit par se tourner vers les deux nouveaux. Ils observaient en silence. Le jeune homme sourit et s’exclama :

— Bienvenu dans la bande de dégénérée que nous sommes. Je suis Nael, le frère adoré de Carline. Là, c’est Dan Marcello, notre ami d’enfance. Il y a aussi Dorian Lepers, absent aujourd’hui.

— D’ailleurs tant mieux, au moins on ne l’entendra pas couiner pour s’être fait larguer, rétorqua Dan en entrant dans le bâtiment préfabriqué.

      Carline et son frère se regardèrent interdit. Ils haussèrent les épaules. Nael entra à son tour. Carline se tourna vers Rafael. Elle expliqua :

— Faut pas vous en faire. Dan n’apprécie pas beaucoup Dorian à cause de mon frère.

— Ton frère ? Pourquoi interrogea Moira intriguée.

      Son frère râla à ses côtés.

— Tu n’as pas besoin de savoir.

      Moira ne répliqua pas. Elle baissa aussitôt la tête comme prise en faute. Carline s’en étonna. Elle s’approcha de la jeune fille qui ne bronchait plus. D’un doigt, elle lui releva le menton.

— C’est juste une histoire de cœur, Moira. J’adore mon frère, mais ce serait bien qu’il se remue un peu avec Dan. Ça devient fatigant à la longue.

      Rafael laissa échapper.

— L’inverse pourrait être aussi bien.

      Carline gloussa avant de prendre le bras à chacun pour les inviter à l’intérieur. Elle chuchota :

— Oui, c’est vrai. Mais ce sont deux idiots. Que veux-tu ?

      À l’intérieur, ils eurent la surprise de trouver des plateaux-repas posés sur des tables collés les unes aux autres. Dans le fond, il aperçut un évier ainsi qu’un micro-onde. Nael les voyant hésiter les invita à table. Il expliqua :

— C’était l’ancien atelier de cuisine. Comme personne ne s’est inscrit cette année, la pièce est libre. La direction nous a autorisés à l’utiliser.

— Êtes-vous les seuls à pouvoir venir ici ? demanda Moira interrogative.

— Non, il suffit de demander la permission au secrétariat et signer la décharge, avoua Nael. Mais depuis le début, nous sommes les seuls à la demander. Et tant mieux d’ailleurs.

— Ouaip parce que le chef de la cantine devrait apprendre à cuisiner avec mon grand frère.

— J’imagine la tête du cuistot face à Sawako. Il démissionne direct.

      Dan se mit à réfléchir avant de se mettre à rire.

— T’as raison. Sawa n’en ferait qu’une bouchée.

      Carline expliqua mieux à leurs deux nouveaux amis.

— Le grand frère de Dan est un grand chef cuisinier. Je suis sûre de toute façon que Ludwig et Rei finiront par vous amener dans son restaurant.

— Ça, c’est certain. Shin, le compagnon de mon frère est le meilleur ami de Ludwig. Il lui arrive de venir travailler au garage.

— Je le verrais peut-être un jour. Je dois aider au garage le samedi.

— C’est chouette. Il doit bien t’apprécier. Ah ! J’allais oublier, s’exclama Carline.

      Elle fouilla dans son sac et sortit deux cahiers rouges. Elle en tendit un à Rafael et l’autre à Moira. Le garçon l’ouvrit. Le cahier avait plusieurs niveaux. La première partie parlait de mathématique. Il regarda un autre chapitre. Celui-ci parlait d’anglais. Moira s’écria :

— Ce sont des condensés du programme que nous n’avons pas vu. C’est génial.

      Rafael fixa son cahier un long moment.

— Merci, mais ça a dû te prendre beaucoup de temps.

— Je ne l’ai pas fait seule. Papa Luce m’a aidé pour le français. Papa Wan m’a aidé pour l’anglais et pour les mathématiques, j’ai demandé l’aide de Xavier.

— Xavier Descamps ? s’étonna le jeune homme roux.

— Oui, je vois que tu le connais déjà. Oui, si tu as quelques soucis malgré mon aide, tu pourras toujours le lui demander. Tu sais que Rei donne des cours de musiques pour les jeunes défavorisés ou les orphelins.

      Rafael hocha la tête. Nael, quant à lui, s’était penché vers Moira et lui expliquait des passages du cahier. Dan lui écoutait d’une oreille distraite. Il mangeait. Carline reprit :

— Avec l’aide de Xavier et de Hans, un autre membre de notre immense famille, il donne également des cours de rattrapage. Mako, le père de Dan, est très bon en anglais. Si avec tout ce monde, vous n’améliorez pas vos notes rapidement, c’est qu’il y a un souci quelque part. Et Dan ! Tu vas nous en laisser !

— Bah quoi ? Au lieu de parler, vous n’aviez qu’à penser à manger. Non, mais !

      Dan se fit frapper par une Carline affamée. Ils bataillèrent un moment en riant. Le reste de la pause de midi se passa dans la bonne humeur. Moira voulant connaitre un peu plus ses nouveaux amis posa plusieurs questions. Finalement, Nael tenta de lui parler de toutes ses personnes que sa sœur et lui considéraient comme leur famille.

      Dans le méandre, Rafael finit par y perdre le fil. Leur famille était d’un compliqué et beaucoup trop grande. Mais, il comprenait un peu pourquoi Ashula lui avait conseillé d’aller à son rythme. Entendre tous ses noms, il commençait à avoir le tournis.

      Le reste des cours passa assez rapidement. Dans un sens, Rafael fut content de rentrer. Il n’osait pas encore dire chez lui, car après tout, il vivait chez des personnes non lié à lui. Chez Ludwig, il entendit le son d’un violon. Il appréciait bien le son et l’artiste jouait magnifiquement bien. En passant devant la porte de la salle de musique, il la vit légèrement ouvert. Il y jeta un coup d’œil rapide. Il y vit un homme blond cendré et à la peau café au lait au centre de la pièce. Il jouait un air énergique. Il ne restait pas statique. Il bougeait.

      Rafael le reconnut. C’était Sasha Flagan, le compagnon de Xavier. Cet homme ne restait pas en place. Il avait même un côté capricieux. Dans un sens de ce côté-là, il ressemblait à Ashula, mais pas pour le côté remuant. Il se rendit dans la cuisine. Sara s’y trouvait déjà faisant ses devoirs. Elle adressa à son frère un large sourire. Il le lui rendit sans s’en rendre compte. La petite fille rayonna. Son frère avait fait attention à elle. C’était un miracle.

— Coucou, Sara. Comment tu t’en sors ? demanda Moira en arrivant derrière son frère.

— Bien mieux que toi, j’en suis sûre.

— Haha ! C’est fort possible. Où sont-ils tous passés ?

— Ludwig n’est toujours pas rentré. Rei est chez des amis. Oncle Manu a téléphoné pour dire qu’il rentrerait tard. Et Ashula a dû se rendre d’urgence à la clinique. Sasha a eu l’aimable gentillesse de me tenir compagnie.

— Je vais aller lui dire bonjour, s’écria alors Moira en filant vers la salle de musique.

      Rafael se laissa glisser sur un siège auprès de sa petite sœur. Il finit par demander.

— Est-ce que c’est vrai ? Tu t’en sors à l’école.

      Toute ravie, Sara expliqua :

— Oui, la directrice a bien expliqué la situation à ma maîtresse. Elle est trop gentille. Elle m’a remis un cahier explicatif ainsi qu’un résumé des matières que je n’ai pas pu voir. Elle m’a aussi prévenu que je devrais rester chaque jour une heure de plus afin de rattraper mon retard.

— Serait-ce un cahier rouge comme celui-ci ? demanda le garçon en montrant le sien.

      Sara hocha la tête. Rafael n’en revenait pas. Non seulement les Oda les avaient aidés, mais ils avaient pensé à sa plus jeune sœur. C’était très généreux de leur part. En même temps, cela effrayait un peu le jeune homme. Il avait trop l’impression d’être dans un rêve. Il fit en sorte que sa sœur ne remarque pas son malaise.

— T’es-tu fait des amies ?

— Oui, elles sont venues me parler le premier jour. Depuis, on ne se quitte plus. Et toi, grand frère ? Tu te plais ici ?

      Rafael observa les yeux craintifs de la benjamine. Il la rassura.

— Oui, même un peu trop bien.

      Des voix se firent entendre à l’entrée. Peu de temps après, Ludwig et Rei firent leur apparition. Après les avoir salués, Rafael s’échappa pour rejoindre sa chambre. Il resta un instant à observer son lit.

— Bah ! Voyons ! Vous ne gênez pas tous les trois.

      Pour toute réponse, Yazoo, Haru et Sultan baillèrent en même temps avant de bouger légèrement pour se rendormir aussitôt. Franchement, ses chats avaient vraiment la belle vie. Il jeta son sac dans un coin, puis il grimpa sur son lit. Il s’allongea auprès d’Haru pour le caresser. Celui-ci se mit à ronronner.

      Yazoo miaula et sauta d’un geste souple sur la hache du garçon et se mit en boule. Quant à Sultan, il roula dans le creux du bas ventre. Manu parvint à s’échapper de son travail deux heures plus tard. Dès qu’il fut rentré, il se rendit auprès de ses nièces. Celles-ci discutaient dans la cuisine avec Rei. Il leur apprenait à cuisiner.

      L’homme fila à l’étage jusqu’à la chambre de son neveu. À la porte, il stoppa. Un sourire attendri s’esquissa sur ses lèvres. Le garçon s’était endormi avec les boules de poil autour de lui. Faisant attention à ne pas le réveiller, il redescendit rejoindre le reste de la troupe. 

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