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Origine1975
19 mars 2014

La malfaisance de Grayson : 09

Chapitre 09

 

 

            Après les présentations d’usage, Louka se rendit auprès de sa famille afin de s’occuper de la santé de son père. Nolan, pensif, le suivit du regard. Il se sentait perturber par cet homme. Il avait une impression de déjà vu. Pas du côté physique, mais côté senteur. Cet homme avait une odeur alléchante comme celle du printemps où les fleurs commencent à éclore. Il se mit à observer autour de lui. À peine avait-il repris connaissance qu’il avait presque fallu qu’il se mette en marche dans une région inconnue.

 

            Arwyn lui avait expliqué rapidement comment fonctionner approximativement Cassiopée et Minerve. Elle lui raconta également les évènements survenus quelques années auparavant. Un homme, Georges Grayson avait tout simplement réussi à prendre le couronnement après une très longue bataille. Depuis, il semait la terreur.

 

            Les villages subissaient régulièrement des attaques, mais pour l’instant Cassiopée et Minerve avaient été épargnées. Ce n’était plus le cas. Nolan se passa une main dans ses cheveux châtain. Un mauvais pressentiment le titillait. Il s’inquiétait pour sa mère et sa sœur, mais il ne pouvait pas non plus forcer le guérisseur à se dépêcher.

 

            Un peu plus loin, il aperçut des hommes tirer une charrette avec des corps dessus dont l’armure ressemblait à ceux des attaquants. Il fut surpris. Ce village s’était très bien défendu. Il observa le manège un instant avant de poser son regard sur l’homme-chat. Il fronça les sourcils.

 

            Les cadavres étaient amenés sur une place à l’écart du village où des hommes déposés les dépouilles humaines avec respect, mais éjectées avec violence celles des hommes-chats. Nolan grinça des dents. Eux aussi avaient le droit aux mêmes respects qu’un être humain ! Nolan se pencha vers le cadavre de l’homme-chat qu’il avait tué. Il le souleva et le porta sur les épaules.

 

            D’un pas décidé, il se dirigea vers cette place. Les villageois s’écartèrent pour le laisser passé un peu craintivement. Certains l’avaient vu se transformer. Les trois gardiennes se trouvaient présentes. Elles se tournèrent vers l’arrivant. L’une d’elles, une grande blonde assez forte lui jeta un regard méfiant, mais ce fut sa compagne à ses côtés qui prit la parole. C’était une rousse assez jolie d’une trentaine d’années.

 

— Je ne sais pas qui tu es, mais tu n’es pas le bienvenu dans ce village. Je te prierai de faire rapidement ce que tu es venu faire et de repartir aussitôt.

 

            Au lieu de répondre de suite à la provocation, Nolan déposa avec douceur l’homme-chat auprès de ses congénères. Les trois administrateurs de Minerve présents également se regardèrent avec inquiétude. Marian l’administratrice allait prendre la parole quand Louka intervint. Il était accompagné de sa famille.

 

— De quel droit te permets-tu de t’adresser à cet inconnu de cette façon, Susie ? Est-ce ainsi que nous accueillons nos visiteurs ? Cet homme vint de me sauver la vie, ainsi que celle de nombreuses autres si j’ai bien entendu les rumeurs.

 

            Susie serra les dents. Elle n’appréciait pas être remise à sa place devant tout le village.

 

— C’est un chat-démon ! Nous savons tous que ce sont des êtres fourbes et cruels.

 

— Ah oui ? D’après ce que je sais sur votre planète, je suis le seul et l’unique chat-démon masculin. Alors, me mettre dans le même panier que les femelles, c’est assez mesquin ! De plus, vous dites que nous sommes fourbes et cruels, mais regardez-vous vous même dans une glace. Partout où je vais, les humains sont tous identiques. Vous êtes imbu de vous-mêmes ! Croyez-vous réellement être meilleurs qu’une autre race ?

 

            Des murmures se firent dans l’assistance. Certains acceptaient cette remontrance, d’autres, plus nombreux, râlèrent. Body D’Arilinn s’exclama :

 

— Je me fiche de savoir qui à raison ? Ce qui est vrai c’est que cet homme nous a sauvés. Aucune de nos femmes, aucun de nos enfants n’a disparu. Les hommes de Grayson sont tous repartis bredouilles ou ils sont morts. Aurions-nous seulement réussi sans l’intervention de ce chat-démon ? Je ne crois pas.

 

            Alistair, Paul et Marian, les trois administrateurs, s’avancèrent. Tout le village se tut. Nolan se tourna vers eux. À Cassiopée, Gaspard était le chef du village. C’était un vieil homme à fort caractère qui adorait Arwyn la gardienne. Il la laissait souvent prendre les décisions à sa place sans la moindre gêne. À Minerve, ce n’était pas la même ambiance.

 

— Je te prie d’accepter nos plus humbles excuses, jeune étranger, s’exclama la femme. Cette attaque nous a tous un peu secoués. Elle nous fait dire beaucoup d’âneries.

 

            Nolan observa ces trois personnes dont les têtes penchées vers l’avant se repentaient et attendaient le verdict. Il jeta un coup d’œil en direction de Louka. Celui-ci semblait en colère. Nolan pouvait le sentir à travers tout son corps tendu. Mauvais signe ! Il ne fallait pas que le gardien se laisse aller à colère. Nolan ne savait pas d’où il tenait cette information, mais il se doutait des dégâts que cela provoquerait. Il prit alors une grande inspiration afin de prendre sur lui-même.

 

— Vous n’avez pas à vous excuser. Ce n’est pas vous qui aviez été désobligeant.

 

— Nous sommes les porte-parole de ce village, jeune homme. C’est notre devoir, répondit Alistair, un homme âgé d’une quarantaine d’années plutôt enrobées.

 

            Nolan se gratta la tête, mal à l’aise. Il jeta un coup d’œil vers la gardienne responsable de cet intermède. Elle ne lui plaisait pas. Elle avait une tête à chercher querelle avec tous les étrangers.

 

— Je trouve cela très stupide votre façon de faire, mais bon, je vais m’incliner. J’accepte vos excuses. Maintenant, il serait judicieux de s’occuper de ses pauvres bougres qui attendent vos prières ou quoi que ce soit d’autre.

 

            Les trois administrateurs se redressèrent d’un bel ensemble. Marian trouvait cet étranger agréable et déconcertant également. Il était bel et bien étranger à leur monde. Il n’avait pas peur de dire ce qu’il pensait.

 

            Louka reprenait contenance petit à petit. La colère s’était changée en énergie. Il avait eu bien du mal à la maîtriser. Il remerciait ce chat-démon d’avoir eu la décence de n’avoir pas envenimé les choses. Il avait pu ainsi se calmer petit à petit. Maintenant, il s’approcha près des cadavres. Les trois gardiennes s’approchèrent. Susie s’exclama à haute voix afin de rabaisser son collègue devant tout le monde.

 

— Nous allons te donner un coup de main, Louka. Après tout, tu n’es pas très doué pour ce genre de chose, il parait.

 

            Le gardien pinça les lèvres. Susie est celle qui n’avait pas digéré d’être reléguée à son arrivée. Depuis quelque temps, elle laissait échapper certaines réflexions désagréables devant les villageois. Des murmures moqueurs se firent entendre dans l’assistance. Cette peste avait réussi.

 

— Pourquoi êtes-vous aussi désagréable ? s’exclama alors Nolan.

 

            Tous les regards se tournèrent vers lui. Il s’était décalé et il se trouvait maintenant accroupi près de la famille D’Arilinn. De son regard ambré, il fixait Susie avec froideur. Il le porta ensuite vers le gardien. Il le salua d’un geste de la main. Il reprit :

 

— N’faut pas écouter les mégères. Elles ont toujours quelque chose à redire. J’ai confiance. Vous avez la puissance nécessaire. Votre Zandru n’est pas un dieu stupide. S’il vous a choisi comme gardien, il doit avoir de très bonne raison, même s’il a manqué de jugeote pour cette gardienne.

 

            Des rires se firent entendre. Susie bouillait de rage. Body et Netty eux eurent un hoquet de surprise. Ils s’inquiétaient pour leur fils depuis des années. Netty voyait bien que son fils ne se sentait pas à l’aise, qu’il n’arrivait pas à trouver sa place. Son fils se croyait être un bon à rien juste bon à soigner. Et là un simple étranger arrive, fait quelques réflexions et produit un miracle.

 

            Les lèvres de Louka s’étirèrent légèrement dans une forme de sourire faisant étinceler son regard vert printanier quelques instants. Un miracle pour ses parents et ses sœurs ! Louka ne savait pas pourquoi, mais d’avoir été défendu par un pur étranger lui fit un bien fou. Cet homme n’avait pas voulu suivre les règles. Il préférait juger de son propre jugement sans laisser les autres le lui modeler.

 

            Il ne voulait pas décevoir cette confiance offerte gratuitement. Il se tourna à nouveau face aux cadavres. Il ferma les yeux afin de se concentrer. Il leva les mains face à lui écarter la paume vers le ciel. D’abord rien ne se produisit puis le corps de Louka fut entouré d’une lueur vert très pâle. Des nuages noirs apparurent au-dessus des villageois qui se mit à murmurer stupéfaits. Ils avaient déjà ce spectacle, mais habituellement, il fallait plusieurs gardiennes pour ce résultat. Des grondements et des éclairs retentirent. Une ombre recouvrit petit à petit le tas de dépouilles. Elle s’arrêta au pied du gardien dont le visage et les bras étaient levés vers le ciel.

 

            Un bruit strident se fit entendre. Toutes les personnes présentes portèrent aussitôt leurs mains à leurs oreilles en se tortillant de douleur. Nolan cligna des yeux en les voyant faire. Il n’entendait rien. Que leur arrivait-il ? Louka ne réagissait pas non plus. Il gardait toujours la même position. Nolan aperçut alors comme une main immense sortir de terre soulevant les morts. Il ouvrit grand les yeux de stupeur. Jamais de sa vie, il n’aurait imaginé voir un tel spectacle.

 

            Ensuite, un corps immense apparut presque translucide. Il ouvrit la bouche encore plus ébahie. Le dieu de la mort regarda l’étrange créature qui l’observait sans peur. Il inclina la tête comme pour le saluer. Puis, il se dirigea vers les nuages noirs. La scène se passa seulement en une minute, mais Nolan n’oublierait pas de sitôt ce qu’il venait de voir. Le bruit cessa d’un seul coup. Les villageois s’exclamèrent devant la place vide maintenant.

 

— C’est toujours aussi impressionnant. Comment font-ils pour les faire disparaître ? demanda Myrna, la jeune sœur du gardien.

 

            Nolan lui jeta un coup d'oeil surpris. Était-il le seul à avoir aperçu le Dieu de la mort ? Louka venait d’ouvrir les yeux et observer le sol devant lui avec stupéfaction. Il avait réussi. Il avait même l’impression que le Dieu Kakalos l’avait remercié de son excellent travail. Avait-il rêvé ? Un corps lui tomba dessus le faisant sursauter. Il attrapa sa jeune sœur. Celle-ci sautait comme une puce.

 

— Tu as réussi, grand frère ! Tu as réussi à clouer le bec à cette pimbêche de Susie.

 

            Louka se sentait vidé de ses forces. Il posa une main affectueuse sur la tête de sa sœur Cory. Il se dirigea ensuite vers ses parents. Il fut interrompu par les administrateurs voulant le féliciter de son travail. Il hocha la tête sans trop les écouter. Il n’en pouvait plus. Il avait utilisé trop d’énergie.

 

            Nolan se redressa à l’arrivée du gardien. Il le voyait à bout de force. Il soupira. Ce n’était pas encore le bon moment. Louka s’arrêta. Il hésita un instant, puis il finit par prendre la parole d’une voix un peu lasse.

 

— Merci de m’avoir soutenu. J’ai une grande dette envers vous maintenant. Dites-moi ce que vous désirez ?

 

— Je vous le dirais après que vous soyez dans une meilleure forme. Vous feriez mieux d’aller dormi.

 

— Ce jeune homme a raison mon fils, s’enquit Netty.

 

            Sachant bien que tous deux avaient raison, Louka se dirigea vers la chaumière de ses parents soutenus par sa sœur Cory et Ellemir. Susie l’observa au loin avec haine. Elle ne put s’empêcher de railler.

 

— Oh ! Le pauvre chou ! Il n’a plus de force. Quel mollasson !

 

            Body et quelques autres furent offusquées face à ce commentaire, mais avant qu’il puisse dire quoi que ce soit un grognement de fauve se fit entendre. Body sursauta, car le son provenait du jeune étranger. Susie se tourna vers lui. Elle sentit un pincement au creux de son ventre. Elle fit un pas en arrière.

 

— Vous feriez mieux de faire attention à votre langage, gardienne. Il y a des choses qu’il vaut mieux garder pour soi, gronda-t-il.

 

            Il fit un pas dans sa direction. Une sueur se forma sur le front de la gardienne. Elle n’en menait pas large.

 

— Vous pourriez perdre le privilège d’être une gardienne, reprit-il sans la quitter des yeux.

 

— Est-ce une menace ?

 

            Nolan haussa les épaules. Ne faisant plus cas de la gardienne, il se tourna vers Body.

 

— Monsieur D’Arilinn ? Vous n’auriez pas du travail à me donner à faire le temps que votre fils soit de nouveau disponible ?

 

— Euh ! Vous me prenez au dépourvu. Mais, je dois me rendre dans les champs. Si vous voulez nous donner un coup de main, ce ne serait pas de refus.

 

            Les deux hommes prirent la direction des champs tout en discutant de tout et de rien. Netty, interloquée, secoua la tête. Elle avait envie de remettre en place cette gardienne également. Mais, elle préféra laisser tomber. Elle rejoignit plutôt sa maisonnette. Elle se devait de préparer le plat préféré de son fils et elle se ferait un plaisir d’inviter à sa table ce jeune chat-démon à la langue bien pendue. 

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