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Origine1975
28 novembre 2013

La malfaisance de Grayson : 02

Chapitre 2

 

          Le reste du voyage vers Narvas se déroula sans autre incident. Par curiosité, les autres passagers voulurent faire connaissance avec le jeune Nolan. Il en charma quelques-uns par son sourire et son rire communicatif. Lucien ne regretta pas le moins du monde son geste de l’avoir enlevé à sa planète.

 

         Nolan faisait la joie de sa femme. Elle l’adorait et il le lui rendait bien. Même Kerry ne le lâchait pas d’une semelle et elle cédait à tous ses caprices. Il fallait bien avouer que Ryna eut un instant de doute à la première transformation de Nolan. Malgré son jeune âge, il changeait de forme à volonté. C’était assez surprenant, rien n’indiquait ou ne présageait qu’il allait prendre sa forme animale.

 

         Le recul de Ryna, la première fois, fit de la peine au jeune garçon. Celui-ci se sauva semant un peu la panique à bord, mais sans gravité. Il fut retrouvé dans la soute caché sous une bâche. Joe Moreau, un apprenti technicien, parvint à le récupérer manquant plus d’une fois de se faire mordre. Mais après beaucoup de patience, Nolan l’animal accepta de s’approcher.

 

         Mais il ne voulut pas reprendre sa forme humaine. Il restait recroquevillé sur lui-même. Joe lui parlait sans arrêt afin de calmer la crainte de l’animal. Lucien arriva aussitôt qu’il apprit où se trouvait son fils accompagné de sa fille. Dès qu’il les vit, Nolan se redressa et fonça sur eux. Pour certains le début de la scène fut assez effrayant. Voir un bébé fauve bondir sur une enfant de cinq ans n’importe qui aurait eu des frayeurs, mais ensuite le tableau fut idyllique. Kerry ne reçut pas le corps d’un jeune fauve contre elle, mais bel et bien un corps humain.

 

         Nolan lui serrait le cou et il pleurait tout son soul. Lucien n’oublierait jamais cette scène. Kerry tapait gentiment dans son dos pour tenter de le calmer en lui disant des mots tendres. Avec tendresse, Lucien réussit à soulever ses deux enfants pour les serrer contre lui.

 

         Un peu plus tard, quand il ramena Nolan à sa femme, celle-ci le lui arracha des bras pour le cajoler à son tour et lui demandait pardon. Elle lui expliqua qu’elle avait juste été surprise. Elle ne savait pas qu’il pouvait déjà se transformer à son âge.

 

— Tu m’aimes encore ? demanda d’une toute petite voix l’enfant.

 

         Ryna, les joues en larme, lui répondit avec ferveur en l’embrassant sur tout le visage.

 

— Je t’aimerais toujours, mon fils.

 

         Narvas étant une planète aride et assez dangereuse, les villes furent construites sous des dômes de sécurité. Ainsi, grâce à un air bien plus pur, les humains purent faire pousser des cultures, ainsi que des bois et même quelques forêts très bien fournies. Parfois, sur les terres arides, une chasse était organisée. Certains mammifères étaient comestibles et de très bonne qualité.

 

         Lucien eut le droit à une maison sur une petite colline dans la capitale. Il avait ainsi une très bonne vue d’une part la ville et de l’autre le désert de sable rouge. Chaque jour, il se rendait en ville pour son travail. L’école comptait une dizaine de professeurs pour un peu plus trois cents élèves de tous âges.

 

         Au fil des années, Kerry et Nolan vinrent les rejoindre. Si sa fille fut une élève modèle et obéissante, ce ne fut pas le cas de Nolan. Celui-ci n’aimant pas rester à la même place plus deux heures durant, les professeurs eurent bien du mal à le maintenir en salle de classe. Le jeune garçon se sauvait à la moindre occasion donnant souvent des sueurs froides à beaucoup de monde.

 

         De plus en grandissant, il finit par avoir un caractère de rebelle. Il se fit plus d’une fois collée pour avoir distrait toute la classe avec ses pitreries et parfois pour s’être battu. Si les élèves de sa classe l’adoraient tout comme ses professeurs qui avaient bien du mal à le gronder chaque fois qu’il commettait un impair, les autres enfants, enfin certains, des autres classes ne l’appréciaient pas et ils avaient tendance à vouloir le dompter comme l’un d’entre eux avait avoué.

 

         Mais Nolan ne se laissait pas faire. Il avait fait la promesse à sa mère que jamais il ne se transformerait lors d’un combat, il tint toujours parole. Quand ceux-ci finirent par comprendre qu’ils ne pourraient l’atteindre, ils changèrent de victime. Ils finirent par s’en prendre à Kerry.

 

         Grave erreur de leur part ! Nolan vouait un culte à sa sœur. Il l’idolâtrait. Il n’admit pas le moins du monde que ses petits parasites lui fassent du mal. Alors oui, il commit des actes plus répréhensibles. Mais, aucun témoin ne put témoigner contre lui. Les jeunes coupables l’accusèrent même s’ils n’avaient même pas vu leur agresseur.

 

Certes, ces perturbateurs se cassèrent les uns après les autres une jambe voir un bras, mais rien ne pouvait prouver que c’était la faute d’autrui. L’un était tombé de cheval, un autre s’était retrouvé au milieu d’un troupeau de moutons en fuite. Il avait eu beaucoup de chance de ne s’être cassé que le bras. La fois suivant, un jeune voyou était tombé d’un arbre, la branche avait lâché.

 

Mais au moins à partir de ce moment, plus personne n’osa ennuyer la famille Metters. Pour occuper son intrépide fils, Lucien eut l’idée de l’inscrite dans des disciplines sportives. Kerry préféra apprendre le tir à l’arc. Souvent Nolan s’amusait à l’observer, puis il tenta d’en apprendre les bases. Il fut plutôt doué, mais il perdit assez vite son intérêt pour cet art.

 

En fait, Nolan préférait être libre de faire ce qui lui plaisait. Il finit par arrêter de se rendre à ses activités sportives trop répétitives. Il aimait courir, mais sans contrainte. Alors il fonçait vers la forêt la plus vaste. Pendant un long moment, il courait sous sa forme humaine évitant les pièges des racines en sautant par-dessus avec souplesses, s’agripper sur certaines branches afin de sauter par-dessus un coup d’eau, puis petit à petit il laissait place à sa part animale pour prendre le relais.

 

Pour lui, c’était là une totale liberté. Au début, Lucien tiquait un peu en apercevant son fils dans sa forme animale trop souvent à son goût, mais il finit par s’y faire. Dès qu’il eut l’âge de treize ans, Nolan eut le droit d’accompagner son père pour une chasse dans le désert aride.

 

Il put ainsi revoir Joe Moreau, l’ancien apprenti technicien du « Périgord ». Pour une certaine raison, Lucien n’apprécia pas vraiment le lien d’amitié qui se liait entre cet homme et son fils. Certes, Joe se révélait être un homme sympathique et serviable. Et, ce n’était pas tout à fait à cause du fait que Joe préférait les hommes, mais Lucien savait, tout du moins, il le sentait tout au fond de lui, que Nolan souffrirait à un moment donné et ce serait de la faute de cet homme.

 

         Kerry ne voulut pas organiser de fête pour ses dix-huit ans. Elle demanda juste d’avoir un peu de temps avec chaque membre de sa petite famille. Elle s’amusa à faire la cuisine avec sa mère. Elle fit la tournée des magasins en sa compagnie tout en y traînant son frère. Celui-ci n’en fut pas ravi pour le moins du monde, mais il fit son possible pour ne pas faire de peine à sa sœur adorée.

 

         Ensuite, elle prit plaisir à jouer aux échecs avec Lucien, ainsi Nolan en profita pour se sauver. Ryna l’avait vu faire et en avait ri même si elle s’inquiétait également. Elle savait tout comme Lucien que Nolan se rendait souvent chez Joe Moreau et qu’il devait avoir anguille sous roche entre eux. Elle ne voulait pas s’en mêler, mais comme toute mère, elle ne pouvait pas s’empêcher d’avoir ce pincement au cœur.

 

         Ses deux amours avaient grandi tellement vite. Elle aimait de temps à autre regarder les innombrables photos numériques qu’elle avait prises au fil des jours. Sa fille devenait de jour en jour magnifique. Elle aussi se marierait et aurait peut-être des enfants. Quant à son fils adoptif, il lui avait procuré tellement de joie et de rire. Elle ne pourrait pas s’en passer. Il était arrivé dans leur vie par la faute d’un homme stupide, mais Ryna ne le regrettait pas.

 

         Nolan se rendit dans le quartier le plus pauvre de la colonie. Il se dirigea vers le garage du coin. Les habitants du quartier s’interpellaient régulièrement. Contrairement aux autres endroits, cette partie était la plus bruyante. Nolan parvint tout de même par la traverser sans se faire repérer. Avec sa souplesse animale, il parvint à sauter sur une poubelle et ensuite sur le balcon. Joe habitait au-dessus de son garage.

 

         La fenêtre grande ouverte pour laisser le bon air pénétrer dans la pièce permit au jeune fauve d’entrer sans problème dans la pièce. Dès qu’il fut dans la pièce principale, une certaine odeur vint le titiller. Grognant légèrement, il se dirigea vers la chambre.

 

         La pièce se trouvait être dans le désordre. Des vêtements trainaient un peu partout. En reniflant, Nolan sentit une odeur étrangère. Il ne savait pas comment il devait réagir en vérité. D’un bond, il sauta sur le lit en vrac. Le corps d’un homme s’y trouvait. Celui-ci se redressa en criant tout en reculant contre la tête de lit. Terrorisé, il regardait l’animal face à lui. Joe se trouvait dans la salle de bain quand il entendit le cri. Il accourut vers la chambre. Il stoppa net à la porte en apercevant l’énorme fauve assis sagement sur son lit. Il ne put s’empêcher de lancer.

 

— Hé merde !

 

         Depuis le jour où il avait cédé au charme fou de cet adolescent aux yeux d’ambre, il le regrettait. Il n’aurait jamais dû céder à ses plus bas instincts. Lucien Metters l’avait pourtant mis en garde. Depuis, il cherchait les mots pour rompre avec ce gosse attachant. Mais, c’était trop tard. L’animal l’entendant tourna sa gueule vers lui. Il ne montrait aucune agressivité. Apercevant son partenaire de la nuit prendre un objet contondant entre les mains, Joe réagit aussitôt.

 

— Dan ? Pose cet objet, s’il te plait !

 

— Quoi ? T’es barge ! Je n’vais pas me laisser manger par cette chose sans me battre.

 

— Nolan ne te mangera pas, espèce d’abruti !

 

         L’homme dans le lit poussa un autre hurlement quand il vit le fauve changé en une créature humaine. De frayeur, il se laissa tomber du lit et courut se réfugier dans la salle de bain en criant « un monstre ».

 

         Nolan reçut cette remarque de plein fouet. Ce simple mot fit plus de ravage dans son cœur que le fait d’être trahi, car Joe ne le contredit pas. L’adolescent descendit à son tour du lit. Il resta debout dans cette pièce où il avait passé certain soir en cachette. Joe gardait le silence. Nolan secoua la tête.

 

— Pourquoi n’avoir pas été honnête, Joe ? Si tu voulais rompre et ne plus avoir affaire avec moi, il suffisait de me le dire.

 

— Je… je voulais t’en parler, mais je ne trouvais pas les mots.

 

         Nolan baissa la tête. Il eut un petit rire amer.

 

— L’excuse bidon typiquement humaine ! Soit tranquille le « monstre » va disparaitre de ta petite vie misérable.

 

         Sur ces bonnes paroles, Nolan sortit en trombe de la chambre tout en reprenant sa forme animale. Joe l’appela plusieurs fois, mais l’adolescent fit la sourde oreille. Il partit à vive allure sans se retourner. Il voulait un endroit tranquille pour panser ses blessures.

 

         Lucien ne savait pas s’il devait se rendre au garage afin de frapper cet imbécile de Joe. Il mourait d’envie de le cogner. Ça le démangeait, mais sa femme et sa fille attendaient de lui qu’il retrouve Nolan. Lucien s’en voulait aussi de n’avoir rien fait pour empêcher ce drame. Mais la vie ne faisait pas toujours des cadeaux.

 

         Il s’enfonça dans le bois près de la colline où il habitait. Nolan aimait bien ce petit bois. Il trouvait toujours ou se perchait facilement. Il le retrouva facilement sur son arbre fétiche. Lucien s’en approcha. Il leva les yeux vers la silhouette sombre camouflée légèrement par les feuilles.

 

— Nolan ? Descends mon garçon, murmura Lucien.

 

         Le fauve descendit en quelques bonds. Il se frotta contre les jambes de l’humain avant de se laisser choir sur son derrière et de lever sa gueule triste. Lucien gratta la tête du fauve. Aussitôt l’animal perdit sa forme et l’adolescent revint. Lucien attrapa son fils et le serra contre lui.

 

— Ne te retient pas, fils. Si tu veux pleurer, fais-le !

 

         Le jeune homme secoua la tête.

 

— Suis-je un monstre, papa ?

 

         Lucien tiqua. Demain, il rendrait visite à Joe et il lui enfoncerait son poing dans la figure.

 

— Parce que tu as eu une aventure avec un homme ? Je ne vois pas en quoi ce serait un drame.

 

         Le corps de Nolan se mit à trembler. Lucien s’en inquiéta sur le coup, mais il finit par se rendre compte que son fils riait. Trop surprit par ce revirement, Lucien en perdit les mots et comme d’habitude, il ne put s’empêcher de sourire à son tour. Quand, Nolan se calma enfin, il avoua :

 

— Papa, tu es unique. C’est peut-être pour cela que je t’adore.

 

— Ça me fait plaisir, mais j’aimerais bien comprendre où j’ai dit une ânerie pour te faire autant rire.

 

         Nolan hésita un instant, puis raconta à son père son histoire pathétique avec Joe, tout en prenant la route vers la maison. Lucien traita cet homme de tous les gros mots qu’ils connaissaient. À l’arrivée, Ryna serra son fils en oubliant de le gronder de lui avoir donné des frayeurs. Puis, tout penaud, Nolan rejoignit sa sœur se trouvant dans sa chambre.

 

         Kerry sauta sur son frère en le voyant arrivé. Elle ébouriffa ses cheveux châtain mi-longs. Nolan posa son front contre son épaule.

 

— Je suis désolé, Kerry. C’était ta journée aujourd’hui.

 

— Idiot. J’ai tout pour être heureuse. J’ai des parents formidables et un petit frère trop mignon.

 

         Nolan grimaça à ce terme, mais il ne dit rien. Kerry eut un sourire amusé.

 

— Dort avec moi mon mignon petit frère adoré.

 

         Un grognement affectif retentit alors. Kerry poussa un petit cri tout en riant quand elle se fit soulever et jeter comme un malpropre sur son lit. Elle reçut de plein fouet un fauve de bonne taille et de poids contre elle. Pour la punir, Nolan, transformé en fauve, lui léchait le visage tout en étant carrément allongé sur elle.

 

— Ah ! t’es trop lourd ! Nolan, pitié, s’époumona-t-elle riant de plus belle.

 

         Nolan bougea, mais il garda sa forme animale. Kerry s’allongea et entoura le cou du fauve. Petit à petit, son frère retrouva son apparence. Allongé sur le ventre, il fixa son regard sur l’oreiller.

 

— Suis-je un monstre, Kerry ?

 

— Qui a osé te traiter ainsi, No-Ang ? s’indigna Kerry aussitôt.

 

         Seule Kerry l’appelait de temps en temps par son vrai prénom et seulement quand ils étaient seul à seul.

 

— Ça n’a pas vraiment d’importance. Je ne suis pas normal. Je ne sais pas ce que je suis vraiment. Humain, animal ? Qu’est-ce que je suis ?

 

— Mon ange que tu sois plus humain ou plus animal, je m’en contrefiche. Tu es mon frère et je t’aimerais toujours. Nolan, tu es ce que tu es. Et je suis certaine que tu deviendras le meilleur des hommes.

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