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Origine1975
10 décembre 2012

Nelfaïm et les gardes des ombres : 11

Chapitre 11

 

            Le passage secret se révélait être une série de galeries creusées sous la demeure. Leur marche à travers ce labyrinthe dura une éternité pour Nelfaïm. Il n’entendait plus rien et cela l’effrayait. Il s’en voulait également d’avoir cédé aux paroles de ses parents. Il ne verrait plus jamais leur sourire. Il ne se ferait plus gronder par sa mère pour avoir encore fait des misères aux domestiques ou des farces aux soldats.

 

            Il n’aurait plus cette envie de rire aux éclats à cause du rire communicatif de son père. Il ne pourrait plus jouer à cache-cache avec Oren donnant des frayeurs à Oriana. Tout le long de ces galeries, les souvenirs l’assaillaient terriblement. Il se jurait de se venger un jour même s’il savait que cela ne lui ramènerait pas sa famille. La trahison était la pire des choses au monde.

 

            Il suivait Duncan toujours silencieux. Le garde des ombres ne lui parlait pratiquement pas. Il lui en était reconnaissant. Il savait, non il se doutait, que Duncan ne lui avait pas tout dit sur les gardes des ombres. Même s’il n’avait pas toujours écouté les cours, il avait bien saisi que cette fratrie gardait des secrets comme son initiation par exemple. Nelfaïm ne tenta pas une seule fois d’en savoir plus. Duncan ne lui dirait rien. Il en était certain. La seule chose dont il savait, c’est qu’il se rendait à Ostagar où se trouvait l’armée du Roi Caillan. Une guerre contre des créatures sorties tout droit des pires cauchemars voulant envahir Férelden allait avoir lieu. Les gardes des ombres étaient chargés de les chasser et de tuer l’Archidémon.

 

            Combien de temps marchèrent-ils dans ce labyrinthe ? Aucun d’eux ne saurait le dire avec précision, mais quand ils finirent par trouver la porte de sortie, ils se retrouvèrent dans la forêt de Bréciliane. Partout où le regard se portait, il n’en voyait pas la sortie. Nelfaïm jeta un coup d’œil vers les cimes des arbres, leurs formes. Il reconnaissait. Il aperçut alors que Duncan partait dans la direction du Sud. Il le rattrapa et le retient par le bras. Le garde des ombres leva les yeux surpris.

 

— Nous devons prendre la direction inverse. Je connais très bien cette forêt. Cette partie est magique. Elle vous donne les mauvaises directions. Vous avez l’impression de prendre la bonne route du sud, mais en fait, c’est celle du nord. En continuant, nous irons directement dans les bras de nos ennemies.

 

            Duncan eut un léger sourire. Il le savait déjà, mais il avait voulu tester ce garçon dont il avait la charge. Il ne lui avoua pas pour ne pas vexer son camarade. Ils se remirent donc en marche vers la bonne route cette fois-ci. La forêt était d’un calme apaisant. Seul le chant des oiseaux se faisait entendre.

 

            Le reste du chemin vers Ostagar se fit dans le silence. Aucun d’eux ne désirait parler, alors ils ne se forcèrent pas pour faire conversation. Ils marchaient rapidement en évitant les routes afin d’éviter toute rencontre non désirée. Ils ne dormaient que quelques heures par nuit. Chacun leur tour veillait sur le sommeil de l’autre et vice-versa.

 

            Pourtant quand ils s’approchèrent de plus en plus du lieu, Duncan lui fit un cours rapide d’histoire. Ainsi, Nelfaïm apprit qu’Ostagar fut jadis une forteresse appartenant à l’empire Tévinter. Elle défendait admirablement les alentours ainsi que les bords des Terres sauvages de Korcari empêchant l’invasion des barbares Chasind.

 

            Le jeune Arborien chercha dans ses souvenirs. Le vieil archiviste lui avait parlé une fois des Tévinters. L’empire est une puissante nation nordique de Thédas, dirigé par un système politique reposant sur la magie. Selon la Chantrie, les inquisiteurs Tévintides voulurent ouvrir la porte dimensionnelle vers la citée d’or, le berceau de la création, mais ils échouèrent. Ils furent alors souillés de leur corruption et rejetés violemment dans le monde matériel. Ces inquisiteurs souillés devinrent les premières engeances qui amenèrent le Premier Enclin.

 

            Voilà un exemple type ! Plus vous avez de pouvoir, plus vous en voulez. C’était typique des races existantes dans ce monde. Même son véritable peuple avait connu et connaitrait toujours ce genre d’individu avide de puissance. Mais les Tévinters, Nelfaïm ne les supportait pas. Il n’avait rien contre la magie en elle-même, mais ces chiens faisaient de l’esclavage. Même si son vrai père lui avait toujours enseigné d’accepter toutes les différences dans les races, le jeune homme ne pouvait admettre l’esclavage. Les hommes, les femmes et les enfants méritaient d’être libres de choisir leur destin. En étant esclaves, ils perdaient tout et c’était de l’injustice.

 

            À peine arrivèrent-ils face au pont qui les séparait d’Ostagar, ils furent accueillis par une petite troupe de soldats aux couleurs de la famille Thierin. En son centre se tenait un homme dans une armure dorée. La stature noble chevaleresque et la chevelure mi-longue d’une blondeur de blé, le Roi Caillan Thierin avait fière allure et de prestance.

 

            Sa royauté s’exclama joyeusement en apercevant le garde des ombres. Il l’accueillit chaleureusement. Nelfaïm en fut un instant étonné. Il n’avait jamais eu la chance de côtoyer de près la royauté. Son père lui en avait beaucoup parlé. Bryce Cousland, même s’il était très loyal envers la famille Thierin, affirmait que le jeune Caillan n’avait pas aussi de présence que son défunt père, mais serait tout de même un très bon Roi.

 

            Malgré la taille assez grande du Roi, Nelfaïm le dépassait également d’une bonne tête. Il avait vraiment l’impression d’être le seul géant à Férelden. Il n’allait surement pas passer inaperçu dans ces conditions. Il fut tout de même étonné en apprenant que le Roi le connaissait.

 

— Je vous rencontre enfin, jeune Cousland. Votre père me parlait souvent de vous quand il passait au château. Comment va-t-il ?

 

            Le Roi fronça les sourcils quand il vit le regard étrange de son interlocuteur s’assombrir. Caillan Thierin se tourna vers son ami, le garde des ombres.

 

— Duncan ? Se serait-il passé un évènement dont je ne suis pas encore au courant ?

 

— Oui, majesté. La famille Cousland a été assassinée par les troupes du Iarl Howe. Nelfaïm est le seul survivant du massacre.

 

— Mon Dieu ! Êtes-vous sûr que le Iarl Howe est dans le coup ?

 

            Duncan confirma d’un hochement de tête. Le Roi posa un regard compatissant sur le jeune et grand apprenti du garde des ombres.

 

— Sur mon honneur, Howe paiera pour ses actes envers votre famille.

 

— Merci, votre majesté.

 

            Un garde s’approcha et parla à voix basse au Roi.

 

— Ah ! Votre frère Fergus n’est plus ici. Il se trouve bien trop enfoncé dans les Terres pour le joindre maintenant. J’en suis désolé.

 

            Le Roi se tourna ensuite vers Duncan et il reprit changeant de sujet.

 

— Mon cher demain est un grand jour. Nous allons chasser les engeances et les renvoyer dans les tréfonds. Vous resterez avec nous, n’est-ce pas mon cher Duncan ? Avoir le meilleur garde des ombres auprès de soi donnera la pêche à nos soldats.

 

— Ce sera avec grand honneur, votre altesse.

 

— Euh ! Sans vous, offensez Votre Majesté. Mais n’êtes-vous pas un peu trop confiant ?

 

            Nullement offensé, le Roi éclata de rire.

 

— Duncan, vous l’avez bien trouvé celui-là. Il a la tête sur les épaules. D’ailleurs en y pensant, les autres sont du même acabit, surtout cet elfe.

 

— Je suis ravi d’apprendre que le groupe est arrivé sans encombre. Est-ce que l’elfe vous aurait manqué de respect, votre altesse ?

 

            Le roi se mit à rire de plus belle.

 

— Non, ne vous inquiétez pas. Il ne se laisse pas marcher sur les pieds et il sait remettre les autres à leur place. À vrai dire, il a eu quelques démêlés avec deux ou trois gardes. D’après ce que j’ai compris, ils le traitaient comme un domestique. Il les a envoyés au tapis sous les acclamations des deux nains tandis que votre mage ne savait plus où se mettre. Je n’ai jamais ri autant de toute ma vie.

 

— Je suis confus, s’enquit Duncan avec un léger sourire.

 

— Ne le soyez pas ! Ces soldats méritaient cette leçon. Cette épreuve a montré qu’ils se feraient facilement tuer à agir aussi bêtement. Bon, je dois vous laisser. Loghain n’aime pas attendre.

 

            Sur ces bonnes paroles, le Roi et ses gardes se détournèrent et traversèrent le pont pour rejoindre le reste des troupes. Nelfaïm observait le monarque abasourdi. Caillan Thierin était un étrange personnage. Il ne savait s’il l’appréciait ou pas. Mais une chose retenait son attention.

 

— Il est inconscient. Ne se rend-il pas compte à quel point cette guerre qui se prépare est bien plus mauvaise qu’il le pense ? Est-ce que je me trompe ?

 

— Non, tu as tout à fait raison. Nelfaïm, il est tant pour l’initiation. Retrouve Alistair ainsi que tous les autres. Ne t’inquiète pas, tu les reconnaitras sans problème. Je m’occupe de Méru.

 

            Sans plus faire cas de Nelfaïm, Duncan s’engagea sur le pont suivi par le Mabari. Méru trottait joyeusement au côté du garde des ombres avec fière allure. L’animal l’avait suivi avec loyauté. Le jeune Cousland soupira et suivit à son tour. Il devait retrouver cet autre garde des ombres du nom d’Alistair. À quoi pouvait donc ressembler celui-ci ?

 

            Arrivé de l’autre côté du pont, il regarda autour de lui. Sur sa gauche se trouvaient le quartier royal et en face ceux du Tiern Loghain. Sur la gauche, le quartier des soldats et des mages se côtoyaient. Debout en haut d’un muré, une femme d’un certain âge annonçait une prière pour ses fidèles agenouillés à ses pieds. La Chantrie se trouvait présente également.

 

            En se rendant vers le centre, pas très loin où s’était installé Duncan et Méru, il aperçut des niches. Il ne fut pas vraiment surpris d’y voir des Mabaris tout aussi puissants que Méru. Ces animaux pouvaient se révéler être des combattants puissants et dangereux. Tout près d’eux, il aperçut une autre troupe habillée de fourrure. Ce devait être les barbares chasinds.

 

            En prenant le chemin de droite, il croisa un autre camp, l’infirmerie. En passant près d’un grand chêne, il croisa le regard d’un mage. La femme d’un certain âge avait un regard doux et en même temps énergique. Elle le salua d’un signe de tête. Il s’approcha.

 

— Salutation, jeune homme. Une rumeur affirmait que le garde des ombres amenait avec lui un géant. Je n’aurais pas pensé qu’il serait si jeune pour autant.

 

            Nelfaïm lui adressa un sourire ravageur.

 

— Salutation à vous, Madame. Rares sont les personnes à se rendre compte de mon véritable âge.

 

— Ces personnes ne savent pas bien regarder. Mais, je dois reconnaitre que cela fait bien des années que je n’avais pas rencontré un habitant d’Arboria.

 

            Nelfaïm haussa les épaules.

 

— Je suis Féreldien plus qu’Arborien maintenant. Pourriez-vous m’aider ? Je suis à la recherche d’un garde des ombres, du nom d’Alistair ?

 

— Ah ! La dernière fois que je l’ai vu, il se rendait vers le fond, un peu plus loin.

 

— Merci à vous, Dame.

 

            Après un salut de la tête, Nelfaïm continua sa route tout en jetant un œil autour de lui. Il espérait ainsi gagner du temps en apercevant les autres futurs gardes des ombres. Il aperçut deux nains discutant avec un humain près de l’atelier de la forge. Près de l’entrée de l’infirmerie, il repéra un autre mage. Celui-ci regardait dans sa direction, mais un peu décalé. Nelfaïm tourna son visage vers le lieu observé. Un homme en tenu de mage s’y trouvait. Son regard était complètement vide. Le jeune Cousland eut un frisson glacial lui traverser le corps. Ce devait être un apaisé, un mage qui avait raté son initiation.

 

            Il secoua la tête pour reprendre contenance. Il monta les marches menant à un autre lieu. Il ne marchait plus sur la terre humide, mais sur de la pierre travaillée. Il se tournait en direction des voix qu’il entendait quand il reçut un violent choc contre lui. En entendant une exclamation, il baissa son regard vers la forme qui venait de tomber sur les fesses.

 

— Mais ma parole ! Il n’y a vraiment que des empotés dans ce camp ! s’exclama la victime.

 

            Sans broncher, Nelfaïm se baissa et attrapa le bras de l’elfe. D’un geste sans effort, il le remit debout. L’elfe se frotta le derrière en râlant. Il finit par lever les yeux et resta un instant interdit. Kellindil ne savait vraiment pas comment définir le type qui se trouvait face à lui. Il avait bien une apparence humaine, mais pas tout à fait. Il n’avait en tout cas jamais rencontré un homme aussi grand.

 

— Vous allez gober des mouches à rester la bouche ouverte, répliqua finalement le géant, amusé.

 

            Nelfaïm ne se gêna pas pour regarder de la tête aux pieds cet elfe. Il était très différent de ce qu’il avait pu côtoyer depuis son enfance. L’elfe lui arrivait à peine aux épaules. Il avait pourtant une beauté très sauvage, peut-être due à sa chevelure et ses yeux d’un noir d’encre. Kellindil reprit aussitôt contenance. Il n’aimait pas être la cause de cet amusement. Il faillit partir sans plus adresser la parole à cet énergumène, mais il se souvient de ce dont Alistair lui avait parlé.

 

— Êtes-vous la nouvelle recrue de Duncan ? Finit-il par demander.

 

            Nelfaïm pencha la tête, sans répondre. Kellindil fronça les sourcils, agacé. Un sourire apparut alors sur les lèvres pleines du jeune Cousland. Les yeux noirs foncèrent davantage.

 

— Je sais, c’est vous l’elfe qui a mis sur le tapis deux ou trois soldats. J’aurais aimé voir ça de mes propres yeux. Ce devait être un beau spectacle.

 

— Je ne vois pas en quoi ? Ils méritaient juste que je les remette à leur place. Que venez-vous faire ici ?

 

— Duncan m’a chargé de trouver Alistair et les autres.

 

— Ah ! Je m’occupe des autres si vous voulez, Alistair se trouve à côté se prenant la tête avec un Mage.

 

            Kellindil passa son chemin sous le regard doré de son interlocuteur. Nelfaïm l’observa jusqu’à ce qu’il le perdit de vue, ensuite il se dirigea vers les voix. Il aperçut alors pour la première fois le deuxième garde des ombres. Un jeune homme d’une vingtaine d’années à peu près, de taille moyenne pour un humain et habillée dans une armure en cuir. Il n’avait pas autant de présence que Duncan ni le même charisme. En écoutant son dialogue avec le mage, Nelfaïm se disait que cet homme manquait cruellement de commandement, mais pourrait s’il s’endurcissait avoir un certain potentiel. 

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