Chapitre 41
Le
début de soirée commençait à arriver quand Shuei se réveilla pour la deuxième
fois de la journée, dans son lit défait. Ces vacances commençaient vraiment
très bien. Il était déjà complètement H.S. par la faute de Gaku. Shuei se
sentait un peu euphorique et rassuré en même temps. Gaku ne montrait plus de
gêne, de malaise quand il lui exprimait ses sentiments.
Certes,
Gaku lui avait assuré être le seul à avoir eu le droit d’entendre ces mots si agréables
à l’oreille, mais le doute avait toujours été présent et le serait peut-être
toujours. Cette peur continuelle que son partenaire se lasse de lui, qu’il
pardonne à Terrence le mal commis et reparte avec lui.
Il se traitait souvent d’idiot. Il ne connaissait
pas l’avenir. Il ne pouvait pas prévoir ce que sa vie sera dans quelques
années. Il devrait arrêter de se rendre malade à s’angoisser. Gaku lui avait
montré plusieurs fois des preuves d’amour. Il le faisait à son rythme, à sa
façon avec désinvolture.
Après
un long soupir, Shuei s’éjecta du lit et gagna la salle de bain attenante à la
chambre. Il prit une douche tiède. Pas froide, car il ne voulait pas attraper
un rhume en plein mois d’août et pas trop chaud, pour ne pas avoir des vapeurs.
Le mécanisme de la douche se faisait automatique et par la voix. C’était
étrange comme système. Il suffisait de demander de l’eau tiède et vous la
recevez dans la bonne température. C’était classe !
Après
y être resté un bon moment, se sentant d’attaque, le garçon retourna dans la
chambre pour s’habiller. La pièce se trouvait dans des tons blancs et noirs. La
moquette, les rideaux et deux pans de murs étaient de noir alors que le reste
des meubles et murs d’un blanc immaculé. C’était un concept étrange, mais qui
s’harmonisait très bien. Son regard tomba sur la couette dont le dessin
représenté des dominos, tombé sur le sol. Shuei la ramassa et la reposa sur le
lit.
Dès
qu’il ouvrit la porte pour rejoindre la salle commune, une bonne odeur de
nourriture l’attira vers la cuisine. Il y trouva Gaku sagement assis à table,
discutant avec un Erwan préparant la salade. Un sentiment de jalousie vint
pincer la poitrine du garçon. Décidément, il était à refaire. Être jaloux de
voir Ga-san avec l’héritier Miori, il fallait le faire. Il se secoua et pénétra
dans la pièce.
Les
deux hommes se retournèrent en même temps à son arrivée. Shuei faillit en
rougir sans raison. Gaku lui adressa un sourire et l’invita à le rejoindre. Il
ne se le fit pas dire deux fois. Shuei se laissa tomber sur une chaise. Il
regarda le français s’activer. L’héritier Miori avait de multiples talents
cachés. Celui-ci prit la parole le premier.
- Alors Shuei ? Bien dormi ?
Le
garçon jeta un regard noir à un Gaku gloussant. Il répondit néanmoins à la
question.
- Oui merci, comme un loir.
- Oui, j’ai vu. Le voyage t’a rendu complètement
H.S., on dirait. À moins bien sûr que ce ne soit Gaku quand il t’a rejoint,
cette après-midi ?
Pouvait-il
se permettre de frapper ce français au sourire moqueur ? Il renifla. Il
haussa les épaules. Il comprenait très bien pourquoi Sawako frappait aussi
souvent. Ces hommes donnaient vraiment envie de devenir violent. Pour changer
de conversation, Shuei demanda :
- Tiens ! Où est Luce ?
Erwan
déposa un plat de gratin sur le milieu de la table.
- Je l’ai puni pour sa bêtise de tout à l’heure,
s’enquit sérieusement Erwan.
Interloqué,
Shuei jeta un coup d’œil à l’héritier Miori. Gaku éclata de rire devant la tête
d’ahuri de son amant.
- Ne l’écoute pas, Shu chan. Luce est au
téléphone avec son père.
- Aaaaaaaah ! Pourquoi tu l’as dit ? Sa
tête valait le coup d’œil !
Shuei
posa sa tête entre ses mains, les coudes sur la table, en grimaçant. Il
gémit :
- Maaiiiiiiiiis vous allez arrêter de vous foutre
de ma poire, bande de gros débiles sans cervelle !
Gaku
réagit en attrapant son petit ami et le faisant tomber contre lui. Shuei poussa
un hurlement de surprise.
- Qui est-ce que tu traites de gros débile sans
cervelle ?
- Aaaaah ! Mais, ça ne va pas, Ga-san !
Espèce d’empoté !
Le
garçon se débattit pour retrouver sa liberté sous le rire de Gaku et d’Erwan.
Un bruit d’estomac retentit. Gaku et Erwan regardèrent Shuei qui faillit rougir
sous leur regard.
- Quoi ? Vous voulez ma photo ? J’ai
faim.
- Haha ! Grave maladie, finit par lancer
l’héritier. T’inquiètes, tu vas bientôt pouvoir te rassasier avec le gratin
Sawanèze.
- Hein ? Sawanèze ? Tu as été cherché
où ? Un nom pareil ? Demanda Gaku.
- J’ai eu l’audace un jour de demander à Sawako
de m’apprendre quelques recettes. Je me débrouille, mais bon pas aussi bien que
lui. Mazette, cette vipère est incapable d’enseigner une simple recette sans
frapper.
- Ah ! Ne m’en parle pas. Rien que le fait
de m’en souvenir, je me souviens encore de la douleur, s’exclama Gaku, en
grimaçant.
- Ouais, je ne sais pas comment tu as fait pour
le supporter. En tout cas, je tire mon chapeau à Shin.
Shuei
maudit Erwan de lui avoir rappelé que Sawako était un ex de Gaku. Il l’avait
oublié. Il se retient de soupirer à fendre l’âme. Il décida d’y mettre son
grain de sable.
- C’est normal. C’est Shin qui tire les ficelles
dans leur couple. Il a trouvé le moyen de faire perdre les moyens à Sawa. Mais,
j’aurai bien aimé le voir t’en mettre une Erwan. Je me serais régalé.
Erwan
plissa les yeux. Il devrait songer à une petite vengeance contre ce garçon à la
langue tout aussi pendu que la vipère. Finalement, Shuei finit par lancer.
- Bon, on mange ? J’ai trop faim pour
continuer à discuter.
Il fit
le geste de vouloir se servir. Erwan lui tapota, avec un grand sourire sur les
lèvres, sur la main. Le garçon grogna et tira la langue à l’héritier.
- Non, nous attendons après Luce, Shu chan.
Shuei
grogna encore plus. Mais, ils allaient arrêter avec ce surnom ! Alors, il
s’écria :
- Que dalle ! J’ai bien trop faim. Tout le
monde sait que les absents ont toujours tort.
Luce
les rejoignit au moment où Shuei et Erwan se chamaillaient gaiement. L’un
voulait se servir, l’autre voulait l’en empêcher. Dans la pièce, il y avait une
volée de nom d’oiseau de toute sorte. Il s’installa à table également et
s’amusa à les regarder. C’était la première fois où il ne ressentait aucune
jalousie envers un de ses amis. Habituellement, il se sentait étrange dès qu’il
voyait son Erwan discutant ou s’amusant avec un autre homme ou une femme.
D’un
seul coup, il fut le centre d’intérêt des deux harpies. Luce les regarda étonner.
Qu’y avait-il ? Avait-il quelque chose sur le visage ? Shuei finit
par prendre la parole.
- Bordel, Luce ! Ne pouvais-tu pas prévenir
que tu étais présent ?
Le
français fronça les sourcils. Lui chercherait-il querelle pour cet après-midi ?
- Pourquoi l’aurais-je fait ? Demanda Luce
prudemment.
- Hein ? Mais parce que j’ai la dalle,
figure-toi ! Et cet empoté m’empêche de manger. Quelle question idiote,
j’te jure !
Interloqué,
Luce observa son jeune ami japonais sans comprendre. Il se secoua et retrouva
son sourire, surtout en le voyant se jeter sur la nourriture comme un affamé.
Il finit par lâcher.
- Shuei ?
- Mmmh ? Murmura le garçon, la bouche
pleine.
- Je voulais m’excuser pour tout à l’heure. Je
n’avais pas le droit d’être aussi sec.
Shuei
resta un instant sans bouger. Il semblait réfléchir. Il avala rapidement ce
qu’il avait en bouche, au risque de s’étouffer, puis il répondit :
- Oh ! Ce n’est rien. J’ai déjà oublié.
Gaku
leva les yeux au ciel, tout comme Erwan. Après un repas très mouvementé par la
faute des deux plus jeunes ne pouvant s’empêcher de se chamailler toutes les
cinq minutes, ils décidèrent de passer une soirée tranquille en visionnant
quelques films. Après avoir dormi toute l’après-midi, n’étant absolument pas
fatigué et hors de question de le laisser seul dans le salon, les autres durent
lui tenir compagnie.
Luce
retourna à l’écriture, assis en tailleur, le cahier posé sur la table basse. Il
avait également son MP3 aux oreilles, car Shuei avait décidé de regarder un
vieux film d’horreur. Il l’avait fait exprès en apprenant par hasard que son
jeune ami français détestait ce genre. En vérité, les seuls à regarder le film
fut Erwan et Gaku, car Shuei se lassa rapidement préférant ennuyer Luce.
Le
français, après avoir reçu plusieurs coups d’oreillers dans le dos, juste pour
le faire déraper sur sa feuille, sentit lui monter la moutarde au nez. Il finit
par ranger son cahier. Il se jeta ensuite dans une guerre sans merci avec
Shuei. Vers onze heures du soir, Gaku se leva sans prévenir et fonça sur son
petit ami, toujours aux prises avec Luce, comme un animal. Il le souleva comme
un sac de pommes de terre et disparut rapidement avec son chargement dans sa
chambre. Les deux Français pouvaient entendre les imprécations de leur jeune
ami, qui hurlait de le lâcher tout en riant en même temps.
Luce,
craintif, jeta un coup d’œil à son homme. Il vit les magnifiques saphirs
s’obscurcir d’une lueur démoniaque. En poussant un petit cri d’animal apeuré,
Luce s’échappa vers un endroit plus sûr. Y avait-il au moins un endroit sûr
dans cet appartement ? Luce n’en savait rien, mais quand Erwan faisait ce
genre de tête, mieux valait l’éviter pour le confort de ses petites fesses.
Luce
n’arriva, bien évidemment, pas à l’endroit désiré. Il se fit harpé par le démon
qui l’emmena dans son ancre pour mieux dévorer sa victime en toute tranquillité.
Les deux jeunes hommes s’étaient concertés pour calmer leurs toupies, d’une
façon à leur faire regretter de les avoir empêchés de regarder le film
tranquillement.
Le
lendemain matin, les deux hommes purent se régaler en observant leurs moitiés
souffrant en silence prendre leur petit déjeuner ou boire un litre de lait.
Aussi bien Luce que Shuei avaient bien du mal à immerger. Leurs bourreaux les
avaient enfin lâchés, aux aurores.
Erwan
prévint Gaku qu’il ne l’accompagnerait pas de suite à l’endroit prévu. Il
voulait visiter la ville en compagnie de sa moitié. Il annonça également au
jeune homme qu’il y avait une ribambelle de véhicules à sa disposition au
garage de l’hôtel. Gaku le regarda comme s’il venait de dire une chose absurde.
Alors pour le faire réagir, le français l’emmena au sous-sol. Là, Gaku eut
l’impression d’avoir les yeux sortis de leur orbite. Sur deux rangées, il y
avait toutes les voitures de sport, les plus chers et les dernières versions.
Mais son regard fut
plutôt attiré vers une autre allée. Erwan sourit. Il se doutait bien que son
ami préférerait plutôt ce genre d’engin. Il savait aussi laquelle il
choisirait. Il ne fut pas déçu. Gaku se dirigea vers le dernier modèle Kawasaki
Motors. Il se mordait la lèvre. Elle était d’un bleu nuit, magnifique, sublime.
Erwan émit un petit rire et fit teinter les clés. Gaku se tourna vers lui et
loucha sur le trousseau.
L’héritier les fit tomber
dans la main tendue et certifia :
- Tu n’as rien à craindre. Tous ces véhicules
sont à la disposition de la clientèle. Il suffit de demander les clés à la
réception. Pour les casques, tu as le gardien au fond à gauche. Il te les
donnera sans problème.
- La classe ! Je rêvais de l’essayer cette
machine.
Gaku
s’accroupit devant la moto. Il la frôla à peine du doigt. Il gémit comme un
gosse. À ce moment, Luce et Shuei arrivèrent. Le jeune japonais
s’exclama :
- Je me demande si c’est grave si je deviens
jaloux d’une machine. Après l’enfer que j’ai eu hier soir, je trouve déplaisante
la façon dont il caresse cette machine.
- Tu n’es pas le seul à te le demander, précisa
Luce, sur un ton de confidence, en jetant un coup d’œil en coin à son
compagnon.
Se
sentant délaissé, Shuei s’approcha de Gaku et lui tomba sur le dos. Le jeune
homme décoloré sursauta.
- Ça ne va pas, Shu chan !
- Pfft ! Tu peux la regarder comme tu veux,
Ga-san. Elle ne pourra jamais te satisfaire comme je le fais si bien.
Interloqué,
Gaku secoua la tête avant de rire.
- Baka ! C’est une évidence.
Gaku
se releva en gardant une sangsue sur le dos. Il le retenait sous les cuisses
afin de l’empêcher de tomber.
- Vous nous rejoignez plus tard ? Ou on se
revoit ce soir à l’appartement ?
- Nous passerons plus tard. Passez une bonne
journée tous les deux et ne faites pas de folie.
- Tu peux nous dire cela, Erwan. Moi, je dois
bosser mes cours. Mais, toi, évite de trop tourmenter Luce, c’est une petite
nature.
- Petite nature ? Je n’y crois pas. Comment
il me parle cet asticot !
- Ah non ! Vous n’allez pas recommencer tous
les deux, grogna Erwan. A plus !
L’héritier
attrapa la main de sa moitié et l’éloigna rapidement des deux Japonais avant
qu’une nouvelle chamaillerie recommence entre les deux. Shuei enfouit son
visage dans le cou de son partenaire et questionna :
- Où va-t-on ?
- Je t’emmène en promenade.
Shuei
fronça les sourcils. Gaku lui avait répondu à côté.
- Où ?
- Tu verras.
- Gaaaaaaa-saaaaaaaan !
Gaku
grimaça sous le son strident provenant près de son oreille gauche, mais ne
répondit pas pour autant. Il émit juste un petit rire faisant grincer les dents
de son amant.