Requiem Pfefferberg : 21
Une étrange
rencontre : 21
Depuis combien
de temps marchaient-ils ? Clendory ne serait le dire tellement le temps
passé lentement dans ses immenses galeries. Elle jeta un coup d’œil à ses deux
compagnons. Elle se mordait les lèvres, inquiètes. Elle se sentait responsable
de leur malheur. Depuis sa chute dans l’abysse, les habitants des galeries ne
l’avaient pas accepté comme ils avaient pu le faire avec Mathias et sa sœur.
Pour eux, elle portait le malheur sur elle. Pourquoi pensaient-ils cela
d’elle ? Elle n’avait jamais compris la raison.
Mais, maintenant,
au bout de trois ans, le chef de la tribu lui avait ordonné de quitter leur
clan sans délai. Ces hommes et ces femmes l’accusaient carrément d’être
responsable de la mort de quelques-uns de leur semblable. Comme si elle avait
demandé à la terre de trembler. Elle n’y pouvait rien. Et puis, comment se
serait-elle prise ? Il est vrai qu’elle n’avait jamais su garder sa langue
dans sa poche, mais étant donné comment les hommes traitaient les femmes
l’horripilait, sans parler des handicapés comme Mathias. Il était leur
soigneur, mais le clan le traitait comme un chien et encore certains chiens
étaient bien mieux traités.
Elle avait dû
faire ses bagages rapidement afin d’éviter d’être lynchée. Le clan semblait
très fébrile. La jeune femme était partie presque en courant, les larmes aux
yeux. La peur ne l’avait plus quitté alors. Les galeries pouvaient être très
dangereuses pour une personne seule. Mais deux jours plus tard, elle eut la
surprise d’être rattrapée par Mathias et la jolie Luna. Comment avait-il fait
pour la retrouver ? Pour toute réponse, il lui avait parlé d’instinct.
Elle le crut à moitié seulement, mais elle fut heureuse de ne plus être seule.
Bien évidemment, elle lui demanda la raison de sa venue.
- Je t’avais promis que je t’accompagnerais jusqu’à la
sortie, non ? Expliqua-t-il.
Mathias était
un homme bon. Parfois, il lui faisait penser à Ménérys, son frère, sans le
mauvais caractère. Elle l’aimait bien, mais il restait beaucoup en retrait. Il
parlait très peu de lui. Ensuite, elle fit connaissance avec Luna, la petite
sœur. Une jeune femme adorable également, mais avec un certain caractère qui ne
plaisait pas beaucoup aux hommes, d’ailleurs. Cela ne l’empêchait pas d’avoir
beaucoup de courtisans. Mathias avait toujours eu peur de ces hommes qui lui
tournaient autour. Peur qu’il arrive un malheur, mais Dieu soit loué, rien ne
s’était produit.
Depuis, ils
voyageaient à travers les immenses galeries tout en surveillant chaque coin
d’ombre. Ils avaient trouvé plusieurs cadavres en cours de route. Certains
passages n’étaient plus accessible dû à des éboulements. Luna, une jeune fille
au visage ovale et assez androgyne, dont les magnifiques cheveux blond cendré, tombée
en boucle tout autour du visage, en faisait une petite poupée délicate,
trouvait l’atmosphère assez étrange. Mathias aussi le sentait. L’impression que
le chemin à prendre était prédéfini d’avance. En entendant cela, Clendory eut
la chair de poule.
Pourquoi le
chemin serait choisi d’avance ? Pour qu’ils aillent se jeter dans la
gueule du loup ? Ou bien le destin voulait leur faire quelque chose ?
Réfléchir ainsi lui donnait la nausée. La seule chose qu’elle désirait était de
pouvoir retrouver son frère et sa sœur. Où étaient-ils d’ailleurs ?
Comment ferait-elle pour les retrouver une fois à la surface ? Que de
questions la taraudaient ?
Une
exclamation de Luna les arrêta aussitôt. Mathias pouvait ressentir une certaine
menace devant lui, mais pourtant pas si hostile que prévue ?
Pourquoi ? Clendory sortit une dague et la tient fermement. Luna se
rapprocha de son frère. Son regard bleu fixait intensément la noirceur devant
elle.
- Mathias ? Ce sont des arachnys. Pourquoi
n’attaquent- elle pas ?
Une sueur
froide traversa le dos de la jeune Isoko. Une araignée géante ? Mon
Dieu ! En entendant les cliquetis, Clendory serra encore plus fort la
dague. Peu après, les trois compagnons virent apparaitre une araignée de taille
moyenne, velue d’un vert de jade. Celle-ci semblait les regarder dans les yeux.
Clendory avala avec beaucoup de difficulté sa salive. Ce n’était pas son animal
préféré loin de là. Un autre cliquetis retentit.
La jeune femme
regarda autour d’elle, croyant en voir d’autres, mais il n’y avait que celle
devant eux. Alors d’où venait le cliquetis ? Luna se détendit légèrement,
essayant de ne pas montrer sa peur. sans quitter le bras de son frère, elle
s’exclama :
- Veux-tu nous dire quelque chose ?
L’arachny
s’agita, cliquetant encore plus fort. Elle tourna sur elle-même. Voulait-elle
qu’ils la suivent ? C’était peut-être un piège, mais Mathias décida de
donner sa confiance. Dès qu’ils se mirent en marche, l’arachny se dirigea vers
un passage assez étroit et sombre. Ce n’était pas pour apaiser leur crainte. Le
chemin durait assez longtemps, peut-être bien une demie heure.
Clendory avait
l’impression de s’étouffer quand enfin ils arrivèrent dans une caverne éclairée
par des luminescences. Magnifique ! Tel était le mot venant aux esprits des
deux demoiselles. Elles avaient l’impression d’être face à des milliers de
lucioles. La caverne, elle-même, avait son charme avec son bassin d’eau pure,
et ces stalactites et ces stalagmites. De plus avec les formes luminescences
donnaient des couleurs variées sur les roches.
- Ah ! Stupide Araignée de mes deux ! Pourquoi
as-tu ramené des humains ? Espèce d’arachnéen sans cervelle ! S’écria
alors une voix assez cristalline.
- Ferme-la, Pong !
- Quoi, quoi, quoi ? Comment tu me parles toi !
Tu cherches bagarre ?
- Qu’est-ce que… ? Laissa échapper Mathias.
Les deux
jeunes femmes regardèrent autour d’elles. Mais, il n’y avait personne dans la
caverne à part eux trois. D’où venaient ces voix ?
- Et voilà ! Vous jures, ces humains sont vraiment
pathétiques. Ils sont d’une myopie incroyable, reprit la voix nommée Pong.
- Où… Où êtes-vous ?
Aussitôt deux
petites lumières, l’une rouge et l’autre argenté tournoya autour de la tête de
celle qui venait de parler. Clendory sursauta. Luna, elle, émit un petit rire.
Elle s’exclama :
- Mathias, on peut comprendre les lucioles.
- Nous ne sommes pas des lucioles, mademoiselle. Nous
sommes des fées. Moi, je suis Ping et mon ami grognon est Pong, répondit la fée
argentée.
Luna, les yeux
brillants, fit une légère révérence.
- Enchantée de vous connaitre.
Les deux
lumières s’intensifièrent toutes contentes d’eux. Mathias regrettait de ne
pouvoir les voir. Ping fini par leur expliqué.
- Nous veillons sur le sommeil de celui qui a protégé les
nôtres. Il a reçu beaucoup de radioactivité quand il y a eu l’explosion.
- L’explosion ?
- Vous ne savez pas ? La ville humaine Ourgoff
n’existe plus et grâce à l’Angio vous êtes encore en vie.
- Un Angio ? Où ? demanda Clendory, aussitôt,
intéresser.
Les deux
lumières s’élancèrent près d’une colonne assez grosse pour cacher un corps.
Luna et Clendory se regardèrent avant de les rejoindre. Les deux jeunes femmes
eurent un hoquet de surprise. Mathias les rejoignit au son. Il ne pouvait voir
ce qu’il y avait sur le sol, mais il pouvait ressentir une forte chaleur.
Clendory
regarda le corps étendu sur le sol. Elle ne savait pas si elle devait hurler
d’effroi ou non. L’homme était brûlé sur tout le corps, pourtant à certains endroits,
elle apercevait la chair intacte et lisse. C’était assez étrange. Elle
n’arrivait pas à voir non plus si l’homme en question était mort ou vivant.
Luna s’exclama :
- C’est horrible.
- Hein ? Horrible ? Alors, tu ne l’as pas vu au
début, affirma Pong. Il était méconnaissable, mais son métabolisme se rétablit
à une vitesse incroyable.
Mathias
s’agenouilla. Il tâtonna un peu avant de toucher enfin le corps. Il pouvait
sentir la vie dans le bras qu’il touchait. Il laissa son don de guérisseur
prendre le relais.
- C’est incroyable, S’exclama-t-il, au bout d’un moment.
Je n’ai pas besoin d’utiliser mes pouvoirs sur cet homme. Il se soigne de
lui-même. J’ai du mal à croire qu’un simple être humain soit capable de faire
une chose pareille.
- Vous êtes sourd tout comme vous êtes aveugle !
S’écria Pong. Je vous ai dit que c’était un Angio, pas un stupide humain.
D’un seul
coup, la main inerte agrippa le bras de l’aveugle. Clendory ne put empêcher un
cri sortir, tout comme Luna. Mathias sursauta. Il sentait le pouvoir de l’Angio
en lui. C’était effrayant et captivant à la fois. L’énergie coulait dans ses
veines, dans ses bras, remontant vers le cou, le visage et arriva assez
rapidement au niveau des yeux. Mathias poussa un hurlement et porta la main à
son visage. Ses yeux le brûlaient. Luna s’élança vers son frère, inquiet.
Clendory s’écria :
- Mathias ?
Une voix
rauque et éraillée retentit.
- Il va bien. Comment un guérisseur de son talent,
n’a-t-il pas eu l’idée de soigner ses propres blessures ?
Clendory
regarda le corps, inconscient peu avant comme si elle regardait un fantôme.
Elle devait halluciner, n’est-ce pas ? Quelques minutes plus tôt, le
visage du brûlé était méconnaissable, maintenant presque toute la moitié était
redevenue normale. Elle voyait une peau matte, ne lisse sans plus aucune
brûlure apparente. Elle avait l’impression de l’avoir déjà vu cet homme, mais
elle n’arrivait plus à se souvenir où.
Mathias finit
par écarter ses mains de son visage. Il regarda sa sœur. Il ouvrait la bouche
en grand. Il la voyait. Flou, mais il pouvait voir le contour de sa sœur.
Comment se pouvait-il ? Qu’est-ce que cet homme lui avait fait ? Il
sursauta quand cet homme prononça un nom.
- Sahel ?
L’homme
regardait sa jeune sœur, intensément. Sahel ! Jamais, il n’aurait cru
pouvoir entendre encore ce nom. La voix reprit :
- Non, tu n’es pas Sahel. Il est différent maintenant.
- Je suis Luna. Tu connais mon frère, Sahel ? Il est
vivant ?
Les deux
lumières refirent surface. Elles s’extasièrent en voyant leur Angio réveillé et
en pleine forme.
- Qu’est-ce que vous fichez ici, vous deux ? Ne vous
avais-je pas dit de rentrer chez vous ?
Ping et Pong
se tortillèrent. Elles vinrent même se frotter contre la joue de l’Angio comme
pour l’amadouer.
- Nous vouloir rester avec vous, Maître, chuchota Ping.
- Mmmh ! Vous voulez réellement faire la
connaissance avec Misha ? N’avez-vous pas peur de devenir son repas ?
Les deux
petites fées se tortillèrent à nouveau. Clendory et Luna regardaient le blessé
avec une certaine fascination. Quant à Mathias, il n’arrivait pas encore à croire
qu’il commençait à revoir. C’était impossible ! A la surprise des trois
humains, l’Angio se leva sans effort. D’autres brûlures avaient encore disparu.
Hallucinant ! Il aida par la même occasion Mathias à se redresser.
- Qui êtes-vous ? Finis par demander Mathias, après
une hésitation.
- Je m’appelle Requiem Pfefferberg.
Clendory resta
bouche bée. L’héritier du royaume d’Inonumy se trouvait en face d’elle et se
révélait être un Angio. Requiem posa à nouveau son regard rouge sur le bout de
femme portant le nom de Luna.
- C’est assez frappant la ressemblance avec Sahel. J’espère
pour toi que tu n’as pas hérité en prime de son caractère.
La jeune femme
cligna des yeux de stupeur.
- Pourquoi ?
- Tu le sauras bien quand tu le rencontreras, enfin si nous
survivons encore longtemps.
- Que voulez-vous dire ?
Requiem eut un
étrange sourire. Puis, il indiqua un point derrière eux. Clendory se retourna
et l’horreur apparut devant ses yeux. Qu’est ce que c’était que ça ? Requiem
pencha la tête de côté, le sourire en coin. Mathias eut un frisson d’effroi. Il
était assez près pour voir la lueur effrayante dans le regard rouge sang. L’Angio
se pencha et souleva la grande épée tout aussi rouge.
- Alandrina, j’ai bien l’impression que nous avons besoin
de tes services.