Requiem Pfefferberg : 15
Duncan Stuno.
Certains habitants des villages les
plus proches de Mongoliste vinrent le lendemain du drame voir s’il y avait au
moins des survivants. Ils restèrent vraiment interdits devant le massacre.
Toute la moitié du village avait disparu comme volatiliser par une explosion.
Pourtant, ils trouvèrent dans ce
village en ruine un survivant, un seul. Ils le retrouvèrent à genoux devant
deux tombes fleuries par des fleurs sauvages. Comment avait-il réussi à sortir
vivant ? Avait-il fui en laissant les autres derrière ? Duncan savait
très bien ce que pouvaient penser ces intrus.
En écoutant les détails de la visite,
l’armée du Roi Hang Shu, les villageois furent assez contents d’eux d’avoir pu
trouver l’argent pour payer leur dû. Rien qu’à voir comment réagissait l’armée
en cas de non-paiement leur donnait la nausée.
Le chef du village voisin demanda au
jeune homme ce qu’il comptait faire à présent. S’il n’avait pas de lieu où se
rendre, le chef était prêt à l’accepter dans sa famille. Il avait toujours
apprécié Manos Stuno. Il ne pouvait laisser en plan son jeune fils.
Duncan serra entre ses mains le
médaillon de Sahel et la petite flûte. Que devait-il faire ? Par ses
objets, ses amis lui signalaient qu’un jour ou l’autre, ils se reverraient. Il
en était sûr, mais le jeune homme ne pensait pas que ce serait dans ce coin du
monde.
-
Ne vous inquiétez pas pour moi. Je vais partir chez mon oncle.
-
Ton oncle ? Je ne savais pas que tu avais encore de la famille, mon
garçon.
-
C’est le frère de mon père. Il a eu des démêlés ave sa famille et il est parti
vivre à Soleda. Il envoie de temps en temps des nouvelles.
-
Soleda ? Ce n’est pas la porte d’à côté. Est-ce que cela ira, mon
garçon ? Tu ne gênes absolument pas, tu sais. Tu peux venir vivre à la
maison.
Duncan lui adressa un sourire triste.
Son regard se posa sur la tombe de ses parents. Il se souvenait dans son
inconscience entendre la voix de son ami lui chuchoter qu’il était désolé.
Requiem n’avait pas pu les sauver. Pourquoi ? Question stupide !
Duncan secoua la tête. Il avait compris
en voyant son ami utiliser la magie pour savoir qui était réellement Requiem.
Jamais, il n’aurait songé un seul instant être devenu l’ami d’un Angio,
peut-être même de deux Angios. Sahel devait en être un également. Oui, il était
vraiment stupide. Il agissait comme tous les autres humains pathétiques. Les
Angios n’étaient pas des Dieux, ils ne pouvaient pas sauver tout le monde.
C’était aussi des êtres mortels avec leurs peurs et leurs faiblesses.
Duncan remercia chaleureusement l’aide
de ses villageois. Grâce à eux, il put enterrer tout le monde dignement, même
les soldats Elhaliens sans exception. Bien sûr certains corps manquaient à
l’appel. Duncan songea que l’explosion chaotique avait dû les faire
disparaître. Alors, avec les villageois, il pria pendant une heure devant
l’immense trou pour l’âme des défunts.
Le vent se leva et vint caresser le
visage des prieurs. Duncan eut même l’impression d’attendre une voix féminine
le remercier de prendre la peine de prier non seulement pour ses amis morts,
mais aussi pour ceux qui n’ont jamais connu la chaleur d’être aimé. Son
imagination devait lui faire des tours. Mais, avec tout ce qui se passait en ce
moment d’étrange, pourquoi pas ?
Quand il lui sembla n’avoir rien
oublié, il partit saluer une dernière fois la tombe de ses parents. Il leur fit
ses adieux pour toujours. Il ne pensait pas revenir un jour ici. Ce lieu allait
redevenir sauvage. La nature allait reprendre ses droits afin d’en faire un
lieu sacré. Il leva les yeux vers les cieux et respira l’air très frais de
l’hiver.
Qu’est-ce qu’il ne donnerait pas pour
voir apparaître Otys, l’Aigle royal blanc ? Mais, ce serait stupide. Otys
suivait Requiem et Sahel. Duncan soupira un bon coup et attrapant son sac à
dos, se détourna du village pour prendre la route, une route longue et
fatigante.
Tout en marchant d’un bon pas pour se
rendre près de Ousgoff afin d’emprunter la voie ferrée, il se demanda si quand
il reverrait ses amis, Sahel serait encore emprisonné par sa malédiction ou
non ? Un sourire naquit sur les lèvres de Duncan. Si la malédiction s’en
allait, Requiem aurait du mauvais sang à se faire. Un nouveau soupir lui
échappa. Qu’est-ce qu’il aurait bien aimé voir ça !
Le fait de voyager seul lui permit
d’avancer beaucoup plus vite que prévu. En fait, il eut aussi la chance de
rencontrer une troupe de gens de voyage. Ils l’embarquèrent dans leur véhicule.
Une des femmes lui apprit à jouer de la flûte. Voyager avec ses gens si simples
lui fit vraiment du bien. Il se fit materner comme pas possible parce que les
femmes le trouvaient mignon et charmant. Leurs plaisirs étaient surtout de le
faire rougir devant les autres hommes qui se moquaient alors gentiment de lui.
Quand ils arrivèrent devant la grande
ville Ousgoff, ils durent se quitter. Duncan en fut un peu triste. Il avait
aimé voyager avec eux. Ousgoff était une des plus grandes villes d’Elhalyne.
Duncan se souvenait aussi qu’il y avait eu un esclandre avec l’armée de Hang
Shu et des Angios. Il se demandait s’il restait des traces de cette petite
guérilla.
Ousgoff était également la ville de
chemin de fer. Les trains ne s’arrêtaient que dans les grandes villes des cinq
continents. Duncan ne perdit pas son temps. Il se rendit à la gare afin de
réserver un ticket pour Blanka, la grande ville la plus proche de chez son
oncle, à Soleda.
La grand-rue menant à la gare se
trouvait être la rue marchande. Partout où son regard se posait, il ne voyait
que des boutiques en tout genre. Duncan se sentait un peu mal à l’aise devant
tout ce monde autour de lui. Son regard fut attiré par un éclat de feu, près
d’une boutique de vêtement. Se pourrait-il que ce soit lui ?
Duncan se fraya un chemin jusqu’à cette
boutique. Il ne voyait pas très bien l’individu, mais il était sûr de ne pas se
tromper. Duncan se fit bousculer et faillit tomber. Quand son regard se porta
vers la boutique, l’homme avait disparu. Duncan tourna à droite et à gauche
pour le retrouver.
Au détour d’une ruelle, il l’aperçut
accompagné d’un homme un peu plus petit, les cheveux ébène. Celui-ci se tourna
et Duncan croisa les yeux argentés de l’individu. Malgré la différence de
couleur de cheveux, Duncan le reconnut aussitôt. Son cœur fit un arrêt. Duncan
fonça dans la direction en bousculant les passants sans s’excuser. Mais, quand
il arriva dans la ruelle, il n’y avait personne. Comment pouvaient-ils
disparaître dans un cul de sac ? C’était impossible.
-
Avez-vous perdu quelque chose, monsieur ? Demanda, une voix amusée.
Duncan se retourna pour se retrouver
devant un homme plus grand que lui, les cheveux très courts dont les pattes
étaient un peu plus longues que la normale, une peau rosâtre avec un visage
coupé à la serpe, mais ce fut les yeux qui attirèrent ceux de Duncan. Cet homme
avait les mêmes yeux que son ami Requiem, des yeux rouges sang. Serait-ce un
Angio, lui aussi ?
-
Je…euh… Je croyais avoir aperçu des personnes de ma connaissance. Mais, je
crois bien m’être trompé.
-
Mmmh ? Je ne le crois pas, s’exclama l’Angio, avec un sourire. Moi aussi,
je les ai vu tous deux. Un homme a la chevelure de feu et son ami très sexy.
Mais, ils doivent avoir une raison pour vous éviter.
-
Qui êtes-vous ? N’avez-vous pas peur d’être arrêté par les hommes de Hang
Shu ?
-
Haha ! Ils ont déjà essayé une fois. Certains de mes semblables se sont
fait prendre, c’est vrai. Mais, je suis plus rusé.
L’Angio approcha très près son visage
de celui de Duncan. Le jeune homme se sentit mal à l’aise d’un coup. L’Angio
sourit, amusé de nouveau.
-
Héhé ! Mais, tu es plutôt mignon pour un humain. Dommage que vous ayez une
vie si courte. M’enfin, je suppose que nous n’y pouvons rien.
Duncan le regardait un peu halluciner.
Cet homme était vraiment étrange et il devait bien reconnaître séduisant. Il
fallait juste regarder autour de soi pour le remarquer. Les femmes se
retournaient sur lui, mais apparemment, les femmes ne semblaient pas être sa
cible préférée.
-
Ha ! Je m’appelle Noël Chanvre, je suis d’origine de Carimba et comme tu le
sais déjà, je suis un Angio du clan Arachny. Enchanté de faire ta connaissance
mignon petit humain !
Duncan se sentit légèrement rougir. Cet
homme était un peu perturbant, mais sympathique. Le jeune homme lui serra la
main.
-
Je suis Duncan Stuno, d’Elhalyne. Enchanté.
-
Bien et si tu me disais qu’el est ta venue dans cette charmante petite
ville ?
-
Je ne fais que passer. Je me rends à Blanka à Soleda. Je ferais mieux d’y aller
maintenant. J’étais ravi de faire votre connaissance Noel Chanvre.
L’Angio sourit et salua de la main le
jeune humain avant de reprendre sa route. Duncan le suivit des yeux un moment,
puis il se secoua pour reprendre sa route. Il s’arrêta un instant, au bout d’un
certain temps. Il s’était fait avoir. Cet Angio lui avait fait oublier Sahel et
Requiem. Le jeune homme soupira, fataliste.
Duncan jeta un rapide regard derrière
lui, mais il ne voyait que les passants. Puis, il haussa les épaules et se
rendit enfin vers la gare. Il apprit ainsi qu’un train à destination pour
Blanka partirait dans une demi-heure. Il acheta son ticket et se rendit à la
bonne voie pour attendre.
Sahel entra dans la suite de l’hôtel.
Requiem se laissa tomber sur le lit avec lassitude. Ils se trouvaient dans
cette ville depuis quelques jours. L’Angio aux yeux rouges jeta un coup d’œil à
son camarade qui observait les passants dans la rue. Il avait dû porter Sahel
jusqu’au village le plus proche afin de trouver des vêtements décents et des
chaussures pour monsieur.
Maintenant, Sahel l’avait embarqué dans
la rue marchande parce qu’il voulait des vêtements à la mode. Il l’avait emmené
partout dans la ville. Il était épuisé. Mais, il devait bien reconnaître que
son jeune ami était bien plus séduisant habillé ainsi. Il portait un sarouel
noir, un haut jaune et court, une énorme ceinture autour de la taille et une
cape cuivrées pour échapper à la froideur de l’hiver. Il portait également
fièrement une paire de bottes à lacer.
-
Heureusement que je suis doué pour les illusions. Sinon, nous nous serions retrouvés
devant Duncan, finit par s’exclamer Sahel, avec un sourire.
-
Mouais, je n’aurais pas pensé qu’il aurait le courage de venir jusqu’ici. Mais,
je suis content de voir qu’il se remue.
La porte de la chambre s’ouvrit,
laissant passer un homme grand, les cheveux noirs très courts et aux yeux
rouges. L’homme fit un geste vers Requiem, puis il s’approcha vers la fenêtre
d’un air innocent. Requiem le suivit du regard, amusé.
-
Aaaaah ! S’écria, alors, Sahel, quand il sentit sur ses fesses la main
baladeuse de l’Angio.
Le garçon se retourna violemment et
repoussa le pervers. Il était furieux. Depuis leur rencontre avec ce nouvel
Angio, il ne se passait pas un instant sans que celui-ci ne lui fasse du harcèlement.
Sahel s’éloigna en râlant et se jeta sur le lit pour rejoindre Requiem. Sahel
lui donna également un coup dans l’estomac.
-
Cruel Requiem ! Dis-lui d’arrêter !
-
Débrouille-toi tout seul, Sahel. Tu peux te défendre maintenant.
Un autre coup de poing dans l’estomac
fit grimacer l’Angio. Il se mit à rire. Sahel ne pouvait pas savoir à quel
point il devenait encore plus mignon en colère.
-
J’ai fait la connaissance de votre ami. Il s’en va à Blanka à Soleda. Que
vas-tu faire mon petit Requiem ?
-
Rien. Son destin est de se rendre là bas. Le mien est de libérer les Angios.
Es-tu des nôtres, Noel ?
-
Évidemment ! Être avec un membre du clan Pfefferberg et avec un mignon et
sexy petit Arachny, je ne vais pas me priver.
Tout en disant cela, Noel ne put empêcher
sa main de se poser sur la cuisse de Sahel. Celui-ci réagit au quart de tour et
lui donna un coup de pied manquant de le faire tomber du lit.
-
Bordel ! Tu vas me foutre la paix !
-
Mais, euh ! C’est de ta faute, mon chou. Tu n’as pas à être aussi mignon.
-
Requiem ! Fais quelque chose contre ce pervers !
Noël jeta un coup d’œil vers le
Pfefferberg. Pour l’instant, l’Angio se moquait gentiment de Sahel et de son
sale caractère. Noël n’était pas fou au point de jouer avec le feu. Il
titillait juste le jeune Arachny, mais il n’irait jamais plus loin. Pour sa
survie, il n’avait vraiment pas intérêt à dépasser le stade du harcèlement.