Requiem Pfefferberg : 14
L’attaque et le
départ.
Requiem se mit à courir de plus en plus
vite. Il savait qu’il était déjà trop tard, mais peut-être pourrait-il au moins
sauver une vie ? Il déboucha enfin hors de la forêt et stoppa net devant
l’horreur face à lui. Le village entier brûlait sous le coucher du soleil.
Partout où son regard se posait, il
voyait des cadavres. Il entendait clairement les armes à feu des soldats de
Hang Shu continuer leur massacre. Requiem fonça dans la direction voulue, vers
le centre du village. Un groupe d’hommes armés le vit. Leur chef ordonna
l’ordre de tirer à volonté.
Mais comme lors de l’attaque au château
d’Inonumy, Requiem traversa la vallée de balles sans qu’aucune d’entre elles le
touche. Les hommes aperçurent un fantôme leur foncer dessus seulement muni
d’une épée aussi rouge que les yeux du démon.
Les soldats s’écroulèrent sans avoir pu
se défendre convenablement. Le commandant de la troupe eut un sourire mauvais.
Un Angio se trouvait bien dans un des villages camouflés. Le roi avait donc
raison. Bien sûr, l’attaque de ce village n’était en rien liée avec les Angios.
Ces imbéciles devaient juste payer leurs impôts, mais voilà, ils avaient
refusés prétextant de ne pas avoir l’argent demandé.
Le commandant fit un signe à son
subalterne. Celui-ci lança un ordre bref. Une dizaine d’individus se
ressemblant apparut. Requiem les aperçut et toute l’horreur se montra à lui. Ce
Roi avait osé créer toute une armée de Déchiants, des hommes sans âme, juste
bon à tuer sans état d’âme.
La rage monta et le jeune Angio hurla
son dégout. Il serra son épée avec fermeté et s’élança sur ces monstres. Duncan
arriva à son tour. Il s’écroula à genoux devant la situation, les larmes plein
les yeux. Son regard se porta vers sa propre maison et vit son père se battre
contre trois hommes. Alors, sans hésitation, il se redressa et arqua son arc.
Sa première flèche atteignit un des hommes en travers de la gorge, le deuxième
plein dans l’œil.
Il aurait continué ainsi si par
malchance, certains déviants ne s’étaient pas éloignés de l’Angio en fureur.
Duncan ne le vit pas arriver et sentit juste une énorme brûlure sur son ventre.
L’arc lui échappa des mains et le jeune homme porta une main tremblante où la
douleur se faisait sentir. Ensuite, il la leva devant ses yeux et y aperçut du
sang. Les larmes coulaient à flot sur ses joues. Il allait disparaître comme le
village. Il s’écroula dans une marre de sang avec la seule pensée de ses
parents en tête.
Requiem éjecta plus loin un Déchiant
qui venait de se jeter sur lui. Il ne pouvait pas continuer ainsi. Il se
faisait encercler sous le rire sarcastique du commandant. Le jeune Angio pinça
les lèvres. Que croyait cet homme ? Qu’il allait perdre contre ces
déchets ? Pour qui le prenait-il ? Ne savait-il pas que le clan
Pfefferberg était le clan le plus puissant ? Bon certes, il ne possédait
pas encore toutes ses facultés. Il lui faudrait des années pour atteindre la dernière
puissance, mais il allait leur montrer à ses déchiants, à cet homme qui était
le plus fort.
Requiem posa la pointe de son épée sur
le sol, les bras bien tendus, les yeux brillants comme le feu. Le sol sous ses
pieds se mit en mouvement comme des vagues se creusèrent tout autour de lui,
l’air se fit rare. L’onde de choc se fraya un passage entourant l’Angio
détruisant tout sur son passage. Le commandant n’eut même pas le temps de crier
avant de disparaitre en un clin d’œil. Requiem se laissa tomber sur un genou, essoufflé.
Avec effort, il se redressa. Il leva
les yeux vers les cieux. Quelque chose n’allait pas. Quelqu’un l’appelait à
l’aide. D’un bond, Requiem se leva et fonça à nouveau vers la forêt. Sahel !
Sahel avait besoin de lui. Il arrivait vers l’orée quand il vit le corps de
Duncan. Le jeune Angio s’arrête net. Mon Dieu ! Cet idiot l’avait encore
suivi.
Requiem se laissa tomber près du corps
et le retourna. Il vit la plaie. Son ami perdait beaucoup trop de sang. Duncan
ouvrit légèrement les yeux. Il murmura d’une voix faible.
-
Requiem sauve mes parents. Je t’en pris !
Requiem posa une main sur le front du
jeune Mongoliste, sans répondre. Il devait faire vite. Sa deuxième main frôla
légèrement la blessure faisant grimacer Duncan. Que faisait son ami ? Le
jeune homme ne comprenait pas. Il entendait la voix éraillée de Requiem
chantonner des sons qu’il ne connaissait pas. Il était bien trop tard pour le
sauver. Duncan le savait. Il sentait sa vie filer en grande vitesse. Il perdit
peu à peu connaissance.
L’Angio se redressa et déposa dans la
main de Duncan la petite flûte de bois, ainsi que le collier dont le pendentif
représentait Otys en plein envol. Sahel voulait l’offrir à Duncan pour juste lui
signaler qu’ils se reverraient.
Requiem tourna son regard vers la
maison de son ami. Il pouvait voir Manos et Elina se défendre comme ils le
pouvaient. Les larmes coulèrent de nouveau sur ses joues. Le jeune Angio serra
son arme plus fortement, puis reprit sa route vers la forêt. Il était désolé,
vraiment désolé, mais il devait faire un choix. Il avait déjà perdu du temps en
soignant le Mongoliste. Il ne pouvait plus en perdre.
Le temps reprit son cours normal. La
main de Boyd reprit sa route, mais elle rencontra le vide. L’homme, tout comme
ses camarades furent surpris de constater que le jeune Angio aux yeux argentés
ne se trouvait plus emprisonné. Boyd se redressa et montra du doigt face à lui.
Ses amis se retournèrent et aperçurent un homme, à moitié nu.
Boyd le reconnut de suite. C’était le
jeune Angio sans pouvoir, son petit prisonnier, mais il était bien différent.
Comment cela pouvait-il ? Comment l’enfant qu’il était auparavant avait pu
grandir aussi vite ? Certes, l’Angio face à eux n’était très grand pour
autant, tout au moins atteignait-il une taille moyenne, un mètre soixante-dix à
peu près, peut-être moins. La couleur de sa peau était toujours aussi blanche,
laiteuse, douce et imberbe, mais la longue chevelure blond cendré n’était plus.
Le jeune Angio devant eux portait les cheveux mi-longs dont certaines mèches
étaient attachées par l’arrière afin qu’elles ne le gênent pas, mais la couleur
était d’un noir ébène.
Le soldat ne put s’empêcher d’admirer
la beauté de l’Angio. Enfant et blond, il était déjà superbe, mais là avec
cette couleur de cheveux, c’était sublime. L’ébène mettait en valeur les yeux
argentés avec plus de force, plus de puissance. Un sourire naquit sur des
lèvres légèrement rosâtres.
Sahel levait légèrement la tête, ne
faisant pas attention à sa tenue très érotique étant donné que ces habits
étaient maintenant bien trop petits pour son corps. Les quatre hommes se
regardèrent avant que l’un d’eux commence à s’avancer vers le garçon. Mais, il
s’arrêta net dès que Sahel leva une main vers lui. L’Angio n’était plus effrayé
par eux. Pourquoi ? Il n’avait pas d’arme.
Cet homme frissonna de crainte. Il
voulut reculer, mais il ne pouvait plus bouger. La panique le tenailla. Il
apercevait maintenant les fils autour de lui. Qu’est-ce que c’était ? Le
jeune Angio émit un petit rire. Les autres reculèrent. Boyd attrapa son arme et
le pointa sur le garçon, plein de terreur dans les yeux. Il entendait des
bruits, de petits bruits.
À cet instant, il entendit son ami
coincé par des fils presque invisibles, hurlés de frayeur.
-
Aidez-moi ! Enlevez-moi ces bestioles. Pitié !
Boyd observa halluciné, un son étouffé
dans la gorge. Il devait voir une hallucination. Comment pouvait-il voir autant
d’araignées dans cette forêt ? C’était absolument impossible. Tout autour
de Sahel grouillait de la vie et les petites bestioles adorables s’amusèrent à
grimper le long de la jambe du captif. Eh oui, quelle idée aussi de tomber dans
une toile d’araignée, n’est-ce pas ? L’une d’elles par contre préféra
grimper sur le corps superbe de l’Angio et vint s’installer tout naturellement
sur son épaule.
Sahel leva une main et caressa
légèrement l’arachnide. Celle-ci semblait caresser les doigts de l’humain avec
ses pattes de devant. Boyd regardait horrifier la scène. Son camarade hurlait à
mort. Il se faisait entièrement recouvrir par les araignées. Sur sa gauche, un
autre cri retentit.
Boyd se retourna et vit un autre de ses
camarades assaillis cette fois-ci par d’autres races d’arachnides qui lui
tombaient dessus comme des mouches. Un cauchemar ! Ce devait être un
cauchemar ! Comment des scorpions pouvaient se trouver dans cette
forêt ? Il voulait bien croire que tout l’écosystème avait énormément
bougé depuis des siècles.
Il savait que certains animaux vivaient
maintenant dans des endroits où avant, ils n’auraient jamais pu survivre, mais
là, ce n’était pas possible. Les scorpions étaient d’origine de Soleda. Ils ne
survivaient pas ailleurs que dans leur pays d’origine. Il avait entendu les
scientifiques le dire. C’était impossible. Son troisième camarade recula de
plus en plus bien trop terrifier par ce qu’il voyait.
Il finit par prendre la poudre
d’escampette. Boyd voulut l’arrêter, mais il était bien trop tard. Un gargouillis
se fit entendre et il vit l’homme sur sa gauche s’écrouler, mort par les
piqures de l’aiguillon caudal des scorpions. Boyd recula. Il était prêt à faire
comme le troisième, à s’enfuir à toutes jambes. Mais, un hurlement dans son dos
le fit sursauter. Un grommellement s’entendit en même temps.
-
Ah ! Le pauvre ! Il a dû réveiller le maître des lieux. C’est malin,
s’exclama alors l’Angio, toujours affichant son maudit sourire.
-
Sale petit monstre ! Tu vas payer pour les avoir tués.
Boyd leva son arme automatique et tira
sur les arachnides. Sahel ne se départit pas de son sourire pour autant. Il
observait le soldat de ses yeux froids. Pourquoi ne réagissait-il pas ? Pourtant,
il était en train de détruire ces chers amis ? Boyd, de plus en plus
colérique, finit par changer de cible. Il visa le jeune Angio et se remit à
tirer.
Sahel eut un peu peur sur le coup. Il
ne pouvait pas éviter les balles, mais quand l’homme se mit à tirer sur lui, la
silhouette d’un homme se positionna juste devant lui. Les balles se
fracassaient contre une épée de feu. Boyd n’en revenait pas. Qui était ce
nouvel arrivant ? Il avait beau tirer et tirer, mais aucune balle ne
l’atteignait et l’inconnu se rapprochait de plus en plus.
Le fusil s’arrêta de lui-même. Il
n’avait plus de munitions. Boyd leva les yeux vers l’inconnu devant lui et
croisa des yeux rouges. Un autre Angio ? Le soldat eut bien du mal à
avaler sa salive. Cet Angio-là était bien plus grand et plus impressionnant que
l’autre.
Requiem attrapa d’une main la gorge de
l’homme et le souleva de terre. Le soldat essayait désespérément de lui faire lâcher
prise tout en lui donnant des coups de pied, mais bientôt, il eut un
soubresaut. Le corps retomba sur lui-même. L’Angio éjecta l’humain plus loin
comme un déchet.
Puis, il se retourna. Il voyait deux
autres cadavres, dont un resté solidement attaché, les yeux révulsés de
terreur. Requiem eut un léger sourire. Le clan des arachny était très doué pour
les illusions.
Son regard se porta vers Sahel. Il
avait eu un peu de mal à le reconnaître au début puisque sa couleur de cheveux
avait changé, mais il devait bien reconnaître que le garçon avait gagné en
beauté.
Sahel soupira de soulagement en voyant
son ami éjecter le corps sans vie du soldat. Il s’élança ensuite et lui sauta
dans les bras, ravi de le voir. Requiem tira une mèche noire.
-
Te voilà affublé d’un nouveau look.
Le garçon se mit à rire et leva son
visage vers son ami. Celui-ci regardait plutôt l’épaule du jeune Angio.
-
Qui a-t-il ?
Requiem sursauta en entendant la voix
un peu rauque de Sahel. C’était un peu étrange de l’entendre parler,
maintenant. Les yeux rouges pétillèrent.
-
Tu as récolté un nouveau compagnon.
Sahel fronça les sourcils. De quoi
parlait Requiem ? Il sentit alors une patte très fine sur sa joue.
Ah ! Mince, il l’avait oublié. Le garçon sourit.
-
Oui, elle veut m’accompagner pour un bout de chemin.
D’un doigt, Requiem frôla l’arachnide.
Il sourit quand celle-ci grimpa sur sa main et rejoignit son épaule. Sahel
s’éloigna et mit ses poings sur les hanches.
-
Je n’y crois pas. Elle me fait déjà des infidélités.
-
Haha ! Elle trouve juste que mon épaule est plus solide que la tienne.
Le garçon renifla, mais sourit. Requiem
laissa son regard glisser sur le corps adulte de Sahel. Il fronça les sourcils.
Fouillant dans son sac, il jeta dans les bras du garçon un vêtement.
-
Ce sera un peu grand pour toi, mais jusqu’aux prochains villages, cela ira.
Sahel se retourna et enfila la chemise
bien trop grande pour lui. Elle lui arrivait presque aux genoux. Sahel grimaça.
Il avait l’impression de porter une robe.
-
Pourquoi devons-nous parti ? Que s’est-il passé au village ?
En se retournant face à son ami, il vit
la douleur traverser les yeux rouges. Des larmes se mirent à couler sur les
joues de Sahel.
-
Sont-ils tous morts ? Et Duncan ?
-
Duncan va bien. Il est inconscient pour le moment, mais il va bien.
-Devons-nous
réellement le laisser en arrière ? Ne peut-il pas nous accompagner ?
Requiem s’approcha et d’un geste
tendre, il essuya les larmes de Sahel.
-
Il doit faire son propre chemin. Nous le reverrons, Sahel.
Le jeune Angio hocha la tête, un peu
triste, mais soulagée d’apprendre que son ami était vivant. Requiem ordonna
l’ordre de partir. Sahel voulait bien, mais il était pied nu. L’Angio soupira.
Il se doutait bien que la vie avec Sahel n’allait pas être de tout repos.