Le
repas se passa dans la meilleure ambiance. Ludwig qui avait hérité du caractère
boute-en-train de sa mère fit son possible pour ennuyer sa sœur et Maeva. Les
filles en eurent tellement marre qu’elles lui jetèrent toutes ce qu’elles
avaient à porter de main. Reï les observait halluciner. Les adultes les
laissaient faire. Ils discutaient dans leur coin enfin jusqu’à qu’un morceau de
pain vint frapper la tête de Carlin. Celui-ci, ni une ni deux ramassa le pain
et le renvoya au balanceur sans rater sa cible évidemment.
Ce fut finalement une vraie bataille
qui se passa à table. Reï ne savait pas vraiment où se mettre. Il se souvenait,
la seule fois où son frère et lui s’étaient amusés avec la nourriture, leur
mère leur avait refilé une raclée mémorable. Après cela, ils n’avaient plus
osé. Mais là, ils s’amusaient comme des fous et même le petit Luce s’y mettait.
Le seul à ne pas être dans la bataille avec lui était le grand brun. Il
regardait la troupe avec un regard fataliste. Il aperçut le regard troublé du
blond et lui adressa un sourire.
Renko se leva et invita le nouveau à en
faire pareil. Après un dernier regard à la troupe en délire, Reï s’échappa à
son tour. Il rejoignit l’adulte dans la cuisine. Apparemment c’était l’endroit
préféré du brun. L’homme l’invita à s’asseoir au comptoir et peu de temps
après, il se trouva avec une tasse de café devant le nez. Le jeune blond devait
s’avouer qu’il avait un faible pour le café, car celui de l’hôpital étant infect,
il avait imaginé ne plus pouvoir en boire. Il prit donc plaisir de le
déguster. Il releva la tête quand un
petit rire retentit.
-
C’est agréable de voir que quelqu’un apprécie mon café.
Reï se sentit rougir sans savoir pourquoi.
-
Cela fait très longtemps que je n’en ai pas bu. Il est très bon.
-
Ça fait plaisir à entendre. N’hésite pas à en boire autant que tu veux. Tout le
monde ici se serre, donc fait pareil.
Le grand brun s’installa face au garçon
et le regardait toujours souriant.
-
Je crois que nous n’avons pas été correctes avec toi.
-
Pourquoi dites-vous cela ?
-
Eh bien ! Je devrais plutôt dire que nous avons été malpolis. Nous, nous
ne sommes pas présentés tout à l’heure.
-
Je ne vous en veux pas. Je crois même que j’aurais deviné qui était qui sans
que j’entende vos noms.
-
Hahaha ! C’est vrai ? Tu as peut-être raison. Carlin est plutôt
facile à repérer même au milieu d’une foule. C’est juste que ta venue fût un
peu appréhendée.
Reï était surpris. Ce n’était pas du
tout ce qu’avait laissé entendre Gabriella.
-
Pourquoi ?
-
Cela fait pas mal d’années maintenant que nous aidons des jeunes de ton âge à
reprendre goût à la vie ou d’offrir un peu de chaleur à des gosses en manque
d’affection. Mais le garçon que nous avons eu le mois dernier a été un
véritable choc. Avant que nous vous accueillions ici, vous devez passer un
examen psychiatrique. Carlin n’aime pas vous le faire subir, mais c’est moi qui
l’ai exigé. Mais ce garçon a passé les tests sans problème alors qu’en réalité,
ce garçon était un vrai danger public.
-
Dans quel sens ? Il vous a fait du mal ?
-
Des coups bas, des insultes ou de l’homophobie, nous en avons eu et cela ne
nous fait toujours ni chauds, ni froids. Ce ne sont souvent que des mots qui souvent
se retournent contre ceux qui les prononcent. Mais une chose dont je ne
supporte pas, c’est qu’on lève la main sur l’un des miens. Surtout la personne
qui m’est la plus chère.
-
Carlin ? Il s’est attaqué à votre ami ?
-
Il l’a poussé dans les escaliers alors qu’il tenait Luce dans les bras.
Heureusement pour lui que Carlin est du genre à sortir souvent sans
égratignure. Mais c’est sans connaître son caractère. Il ne faut jamais
réveiller la bête noire. Touche un seul cheveu d’un de ces gosses et il se
change en une véritable furie. Il a fallu être trois pour le retenir de se jeter
sur l’ado.
-
Luce a l’air d’aller bien.
-
Heureusement !
-
L’adolescent où est –il maintenant ?
-
Dans un hôpital psychiatrique. Il a des tendances de schizophrénie. Nous avons
appris récemment que son jeune frère se trouvait dans le coma et qu’il en était
le responsable.
-
Finalement, vous avez vu plusieurs mal êtres.
-
Oui, on peut dire ça. Mais comme tu peux voir, ce mal-être disparait facilement
quand on se laisse aller à la folie ambiante.
Le garçon blond baissa son regard vers
sa tasse. Il avait encore plein de questions dans sa tête, mais il les oublia instantanément
des qu’il sentit deux bras chauds lui entouraient le cou. Il en sursauta, il ne
l’avait pas entendu arriver.
-
Alors, on fait bande à part ? Ce n’est pas gentil ! Tu vas être
puni !
Reï voulut répliquer, mais il n’eut pas
le temps de dire quoique ce soit, qu’il se retrouva avec de la crème, plein le
visage. Des éclats de rire retentirent dans la cuisine, même Renko riait de la
tête trop surprise de Reï pour rester sérieux. Le garçon retira un peu de crème devant ces yeux et jeta un coup d’œil
au coupable. Carlin se trouvait juste derrière lui affichant un sourire hilare.
Reï
étira un sourire sur ces lèvres. Finalement, il était content d’avoir osé dire
oui pour venir dans cette famille. Il se retourna et souriant encore plus, il
finit par dire :
-
Se laissait aller à la folie ambiante ? Ça me va !
Tout en disant ces mots, il écrasa la
crème qu’il avait sur la main sur le visage de Renko, avant de s’échapper de sa
chaise pour se mettre à l’abri. La cuisine fut le nouveau territoire d’une
nouvelle bataille sous les cris de joie d’un bambin de huit mois.
Le
lendemain matin, il se fit réveiller par un emmerdeur de première du nom de
Ludwig Lagardère. Celui-ci prit un certain plaisir sadique à lui sauter dessus
pour le réveiller en sursaut. Quand Maeva le plaignait sincèrement, il
comprenait très bien pourquoi maintenant.
Quand il descendit une demi-heure plus
tard, tout le monde était déjà attablé pour prendre le petit déjeuner. Lui qui
n’en prenait jamais d’habitude fut obligé d’en prendre un au risque d’être nourri
comme un bébé par Carlin.
Ensuite en compagnie des deux autres,
il se rendit à pied à son nouveau lycée. C’était le cas pour Ludwig également.
Il apprit aussi que son camarade de chambré s’était fait renvoyé de son ancien
lycée pour s’être battu. Reï lui jetait quelques fois un coup d’œil. Il avait
bien l’impression que Lud avait des cernes sous les yeux. Même, Maeva s’en
était rendu compte. Elle aussi s’en inquiétait. Elle espérait pour Ludwig
d’avoir des professeurs compatissants et non pas comme cet abruti de Tankeï.
Heureusement pour les deux garçons, ce
fut le professeur d’art plastique qui vint les accueillir pendant que Maeva
gagnait sa classe. Ludwig se sentait un peu mal de voir un autre prof d’art à
la place qu’avait occupée Simon Lagardère, son père adoptif. Mais en même
temps, il fut ravi de revoir ce professeur en particulier. Il la connaissait
depuis des années. Elle était une des meilleures amies de Carlin. À l’origine,
elle n’était pas professeure, mais Basil Moreau, le proviseur et le grand-père
de Ludwig, l’avait supplié de prendre la place avant que l’académie ne lui envoie
encore un prof débile du genre de Tankeï.
Mira Martin salua le grand brun avec un
certain plaisir à la surprise évidemment de Reï. La jeune femme dut se
présenter et lui assura qu’elle était ravie de faire sa connaissance. Tout en
les menant devant le proviseur, elle s’exclama vivement qu’elle allait faire
d’eux ces nouveaux modèles et qu’ils n’avaient pas intérêt à refuser. En
chemin, ils rencontrèrent l’infirmière de lycée et Reï fut encore plus
traumatisé en apprenant que non seulement le proviseur se trouvait être le grand-père
de Ludwig, mais que l’infirmière Madame Loutanit était sa grand-mère.
Après avoir fait connaissance avec le
proviseur, les jeunes gens se firent amener respectivement dans leur classe.
Ludwig se trouvait en deuxième année et se trouvait en classe avec Mira. Il en
fut quelque peu soulagé. Quand Reï fut envoyé dans la même classe que Maeva. La
jeune fille fut ravie de le revoir. Celui-ci, après s’être présenté devant
toute la classe, s’installa près de la jeune fille au grand dam de la plupart
des autres demoiselles.
À la pause déjeunée, il n’eut pas le
temps de demander à Maeva où elle mangeait qu’il fut complètement accaparé par
les autres élèves et surtout par un groupe de fille que tout le monde
surnommait les déesses.
Maeva lui fit un petit signe de pitié.
Puis elle rejoignit son coin habituel. Elle aimait beaucoup s’installer sur un
banc, le plus éloigné. Il ne se trouvait pas très loin du chemin qui menait
vers la salle de sport. Elle croqua à pleine dent son sandwich et dégusta. Il
n’y avait pas à dire, mais son père était un vrai cordon-bleu. Elle s’y
trouvait depuis dix minutes qu’elle fut vite rejointe par un garçon de sa
taille, habillé d’un jean et d’une chemise débraillée, les cheveux brun coupé
très court et portait avec style une paire de lunettes de myope.
Les déesses le surnommaient l’intello
ou l’illuminé. Mais le garçon s’en fichait royalement. Il était comme il
l’était et il ne changerait pas pour tout l’or du monde.
-
Tu es encore toute seule Maeva ?
La jeune fille sourit.
-
Mieux vaut être seule que mal accompagné, Killian.
-
Alors, je te dérange peut-être ?
-
Non, toi ça va. Tu n’es pas ennuyeux comme la plupart le sont.
-
Parce que tu nous trouves ennuyeux, Mav ?
La jeune fille sursauta et se retourna
vers les deux nouveaux arrivants. Elle se mordit les lèvres.
-
Désolée, Lud ! Je ne parlais pas de vous deux, évidemment.
-
Tu n’es pas gentille Maeva ! Tu aurais pu évité de me laisser avec ces
poufs sans cervelles ! s’exclama Reï.
-
Pardon ! Mais c’était trop mortel de te voir accaparé de la sorte. Mais
finalement, tu t’en es sorti, non ?
-
Parce Ludwig est venu à ma rescousse. C’est incroyable ! À peine, il est arrivé
que tout le monde se soit éclipsé sur la pointe des pieds. C’est fendant !
Killian, toujours assis près de son
amie, regardait les deux grands avec des yeux ronds. L’un faisait un peu peur avec
ses tatouages et ses piercings alors que l’autre ressemblait à un top model. Il
jeta un coup d’œil à Maeva. Elle semblait très bien les connaître. Pourtant
depuis le début de l’année, il l’avait toujours rencontré seul. Elle ne
semblait pas avoir de véritable ami. Il sursauta quand il croisa le regard
gris-bleu du percé. Il se sentait un peu intimidé face au géant.
-
Je vous présente mon ami, Killian Osborne. Il est déjà en troisième année.
-
Ce minus se trouve en dernière année ? s’exclama Ludwig en détaillant de
la tête au pied le garçon qui se sentit mal à l’aise.
-
Ne fais pas trop attention à ce qu’il dit, Killian. Ce garçon est un vrai abruti
et dit souvent des âneries plus grosses que sa tête.
-
Ravie de te connaître Killian. Moi, je suis Reï Harada. Je suis nouveau ici.
Le terminal fut ravi de l’intervention
du blond. Ils se serrèrent la main. Puis finalement, le percé se présenta
également. Killian fut réellement surpris. D’habitude, ce genre de personne ne
lui adressait pas la parole, soit il l’ignorait, soit il devenait leur bouc
émissaire. Maeva lui avait déjà dit de ne pas se fier aux apparences, car
souvent elles étaient trompeuses. Le bon exemple était les
« déesses ». Elles ressemblaient toutes les cinq à des mannequins,
elles vous adressaient la parole et des sourires à tout va, mais par-derrière,
elles vous faisaient des crasses, vous rabaissaient et surtout, elles
s’amusaient avec vos sentiments. Maeva en avait déjà subi les frais, maintenant
elle préférait rester éloignée de ces pimbêches.