Une nouvelle vie : chapitre 02
La
semaine fut très longue pour le garçon. Il dut subir la visite du psychologue
en présence de l’assistance sociale. D’après ce qu’il comprit, ces deux
personnes voulaient surtout savoir s’il ne serait pas un être dangereux pour
les autres et pour lui. Il savait en connaissance de cause ce que représentait
le suicide. Il l’avait vu en face. Pendant toute sa durée dans cet hôpital, Reï
avait eu le temps de réfléchir, de penser à son frère. Il comprit largement que
le suicide n’était en aucun cas une solution. Une vie était sacrée, il l’avait
compris à la mort de sa mère et en observant les allers venus dans l’hôpital.
La vie pouvait ne tenir que d’un fil, à cause d’un accident, d’une maladie,
d’un mauvais calcul et elle vous filait entre les doigts.
Une bibliothèque gratuite était à la
disposition des patients. Le garçon y passait la bonne majorité du temps.
Jamais, il n’avait lu autant de livres. Il discutait souvent avec un vieux
monsieur fragile du cœur. Malgré son problème cardiaque, le vieil homme Anselme
gardait une joie de vivre à toute épreuve. Il avait plus de quatre-vingt-dix
ans et avait été marié à la même femme pendant plus de soixante-sept ans. Sa
femme l’avait quitté d’un cancer des poumons l’année dernière. Avec elle, il
avait eu quatre enfants, deux filles et deux garçons. Ils étaient tous mariés
et grâce à eux, il se trouvait être grand-père une bonne dizaine de fois et
deux fois arrière grand-père. Il affirmait avoir réussi sa vie. Il était prêt à
partir à tout moment. Il ne regrettait rien.
Il avoua pourtant au garçon comme pour
lui enseigner quelque chose que sa jeunesse n’avait pas été tendre pour autant.
Il avait été orphelin à l’âge de onze ans et avait été envoyé dans les pires
orphelinats qui existaient à l’époque. Les femmes et les hommes qui s’en occupaient
étaient les pires horreurs à imaginer. Jamais, un geste tendre, jamais un
remerciement, jamais un sourire, mais toujours des ordres, un vrai camp
militaire ! Et encore, un camp militaire était encore trop doux pour
montrer vraiment la méchanceté gratuite de ces gens indifférents.
Cela ne l’avait pas rendue amère ou
sans pitié, au contraire, cela lui avait enseigné à se battre pour son idéale.
Il avait décidé de prendre sa vie en main et de faire tout le contraire de ce
que ces personnes lui avaient donné.
Reï aimait bien parler avec cet homme,
enfin parler, plutôt écouté serait le mot juste. Mais avant la fin de la
semaine, Anselme s’en alla dans son sommeil. C’était une jeune infirmière qui
était venue lui annoncer sa mort. Elle les avait vus souvent discuter ensemble
et elle trouvait juste de lui avouer. Il n’avait pas pleuré pour son frère, ni
pour sa mère, mais pleura comme un bébé en apprenant la mort du vieil homme.
Une des filles vint pour les papiers et pour les obsèques de son père. Celle-ci
vint lui rendre visite et le remercia chaleureusement d’avoir pris le temps de
discuter avec son père. Elle lui avoua également qu’Anselme leur avait parlé de
lui et que si un jour, il avait besoin de quoi que se soit, il pourrait
l’appeler. Elle lui refila une carte où son nom figurait, ainsi que son adresse
et un numéro de téléphone.
Elle dut comprendre que le garçon ne la
croyait pas une seule seconde.
-
Je t’assure mon garçon. Mon père nous a appris l’entre aide. Si un jour, tu as
le moindre souci avec ta famille d’accueil, appelle-moi et je viendrais. Je te
le promets et ce n’est surtout pas des paroles en l’air. Tu n’auras qu’à
m’écrire, je te répondrais. Je pourrais ainsi parler sur la tombe de mon père
et lui assurait que tu ailles bien. On ne sait jamais peut-être qu’il
m’entendra et en sera très content. Tu m’écriras, OK ?
Reï hocha la tête toujours un peu
sceptique et en même temps ravie. Il ne la connaissait pas, mais elle semblait
très sincère, alors il songea que tentait le coup, il ne risquait pas
grand-chose. Si elle ne lui répondait pas, cela voudrait juste dire qu’elle
s’était foutue de sa poire.
Enfin, le jour J arriva. Il était prêt
depuis le matin aux aurores. Il attendait avec une certaine impatience la venue
de cette femme inspectrice. Il en avait assez de cet hôpital. Il voulait sortir
et reprendre une vie plus normale, enfin, espérant qu’elle soit normale.
Elle finit par arriver dans les
alentours de dix heures du matin sans se presser. Elle affichait un sourire joyeux,
car elle s’apercevait bien que le garçon s’impatientait. Elle n’avait pourtant
rien dit de cette famille d’accueil, mais à chaque fois, les enfants ou les
adolescents réagissaient de la même manière. Ils étaient plus sensibles, ils
devaient se douter inconsciemment que leur vie serait totalement différente.
Elle se demandait comment réagirait le
garçon quand il les verrait. Elle attendait avec impatience de voir sa tête.
Elle les avait appelés la semaine dernière et celle-ci lui avait assuré qu’il y
avait encore de la place pour un nouveau. Cela l’inquiétait tout de même. Pas
le fait qu’elle négligerait le petit nouveau, mais sur le nombre de personnes
chez eux. La dernière fois où elle s’était rendue chez eux, il y avait en tout
et pour tout, une bonne dizaine d’enfants, adolescents réunis. Tous ne
restaient pas indéfiniment chez eux. Ils y venaient que pour quelques jours ou
quelques mois, ensuite ils repartaient chez leurs parents respectifs. Cette
fois-ci, ils seraient combien ? Quand elle leur avait posé la question la
seule chose qu’elle eut droit, fut le téléphone raccrochait au nez. C’était
bien d’eux d’agir de la sorte.
Des fois, elle trouvait que cette
famille agissait exactement de la même manière que les gosses qu’elle
s’occupait. C'est-à-dire de vrai gamin ambulant à qui il était très, mais très
difficile de résister.
Reï la salua avec chaleur même s’il ne
souriait pas. Gabriella s’en était rendu compte. Le garçon n’avait plus sourire
depuis la mort de son frère Hisoka. Elle espérait sincèrement pouvoir un jour
avoir la chance de le voir afficher un sourire sur ces lèvres et qui plus est,
un sourire chaleureux.
Elle lui annonça que sa venue était
très attendue. Le départ fut bien évidemment retardé à cause de cette fichue
assistante sociale qui signa les papiers de façon très lente tout en râlant sur
le fait de faire partir l’enfant de la ville où il avait grandi. L’inspectrice
restant très calme et professionnelle, lui déposa une feuille de papier à
l’emblème d’un juge. La lettre indiquait que Reï Harada avait la permission de
quitter la ville et de se rendre dans une famille d’accueil choisie aux bons
soins de l’inspectrice Facter. Et Bla Bla Bla…
Enfin au bout deux heures de retard,
ils purent se mettre en route. Elle ordonna à l’adolescent de sommeiller
pendant le trajet, car ils avaient à peu près 6 heures de route sans
embouteillage évidemment. Elle ne voulait pas que son jeune ami, parce qu’elle
pouvait le considérer ainsi, lui pose trop de questions sur sa famille
d’accueil. Elle voulait lui faire la surprise.
Gabriella songea tout de même que le
garçon avait eu de la chance qu’elle soit en vacances. Sinon, elle n’aurait
jamais eu la possibilité de l’aider. Quand elle l’avait aperçu dans le
commissariat de sa ville quelques mois plus tôt. Elle avait tout de suite
deviné que c’était un gosse paumé. Mais à l’époque, elle se trouvait en charge
d’un dossier très lourd et sans repos. Elle ne pouvait pas faire grand-chose.
Elle avait bien essayé de faire remuer les services sociaux, mais ils avaient
tellement de dossiers et pas assez d’assistants que le drame avait eu lieu
avant qu’ils ne puissent faire quoi que ce soit. La jeune femme, tout en
conduisant prudemment, jeta un coup d’œil à son passager. Il dormait à poing
fermé, le visage serein. Elle soupira. S’ils avaient bougé plus vite, Hisoka
Harada se serait retrouvé également dans cette voiture en direction d’un lieu,
qui espérait-elle, était pour le plus jeune une bénédiction.